Après plusieurs mois à questionner le film, à en méditer la signification, j'en viens aujourd'hui à écrire mon avis sur Glass, film ô combien divisible. J'ai conscience d'arriver après la guerre, j'essaierai donc d'être le plus bref possible (c'est raté).

Suite d'Unbreakable et Split, que je n'hésiterai pas à spoiler, Glass nous raconte donc comment David Dunn, Elijah Price et Kevin Wendell Crumb se retrouvent enfermés dans un hôpital psychiatrique où ils seront confrontés à la doctoresse Ellie Staple. Celle-ci cherchera à les prouver que leurs super-pouvoirs ne sont pas réels, et qu'ils sont en réalité atteints de troubles mentaux.

Beaucoup ont crié à la trahison, à la déception, envers un film qui semble ne pas respecter ses personnages ou les fans des précédents films. D'autres ont adoré, été sensibles et ont accroché à ce que le film semblait raconter. Pour essayer de comprendre les raisons de cette divergence d'avis, nous allons donc nous pencher sur qui suscite ces débats : les thèmes du film et les parti-pris du réalisateur. Je ne m'attarderai donc pas sur les éléments sur lesquels tout le monde semble d'accord : la réalisation est soignée et travaillée, la musique est magnifique, et les acteurs sont tous très convaincants (James McAvoy en tête).

  • Tout d'abord, le parti-pris de situer l'action dans un hôpital psychiatrique et de faire douter nos personnages est déjà un des motifs de dissension. On a déjà eu deux films nous montrant ces personnages accepter le fait qu'ils disposent de pouvoirs surhumains, et maintenant il faut de nouveau recommencer le questionnement ? Je comprends ainsi que beaucoup aient été déçus, préférant plus d'action entre David Dunn et la Bête. Mais à ces personnes, je demande: avez-vous vu les films précédents ? Où avez-vous vu des films d'action ? C'est justement tout le but de cette trilogie: montrer des super-héros réalistes, montrer les hommes avant les surhommes. L'action a toujours été minimale dans Unbreakable ou Split. C'est pourquoi le choix de faire douter les héros et les spectateurs est justifié. Tout le film n'est qu'une remise en question permanente. Là où les rôles de gentils et de méchants étaient bien définis (David en gentil, la Bête et Elijah en méchants), ils sont ici bouleversés face à l'arrivée du docteur Staple. Emprisonnés dans son institution, il n'y a plus de combats entre les surhommes, mais un combat de leur conviction contre le système. Ils sont à armes égales, à leur condition la plus faible. Et c'est là qu'arrive le thème principal du film selon moi: les super-héros sont des victimes, maudits par un destin qu'ils ne contrôlent pas. C'est bien dans Split que l'on entend la Bête déclarer: "The broken are the more evolved". The broken, les brisés, les blessés, c'est ce que sont les héros. Ils sont crées par des personnes extérieures qui ont provoqué des événements traumatiques (l'attentat du train de David, la mère abusive de Kevin, les enfants se moquant de la maladie d'Elijah) et sont détruits par des personnes extérieures

    (L'organisation secrète, voulant cacher l'existence des super-héros)

    Leur vie de super-héros n'est donc jamais déterminée par leur volonté ou par leur choix. Ils sont obligés de subir leur condition. Mais Mr Glass n'est pas de cet avis. Après avoir prouvé dans Unbreakable que les super-héros étaient réels, il cherche maintenant à s'affranchir du destin qui leur est imposé. Ainsi, à la fin,

    il réussit, à travers leur sacrifice, à prouver au monde entier que les super-héros existent bel et bien. Malgré leur morts, ils réussiront à transmettre la vérité et à donner envie à leurs semblables de se révéler. Comme Glass l'a si bien dit : "This was an origin-story". L'origine des héros du monde entier

L'histoire d'un homme qui a pris le contrôle de sa vie.

  • Mais c'est là qu'arrive le second thème du film: nous sommes tous des héros. La phrase dans les trailers: "Real heroes are within us" l'explicite. En effet, David et Kevin n'avaient aucune conscience de leurs capacités. Ils n'étaient que des personnes comme les autres, avec leurs qualités et leurs problèmes. Et pourtant, ils n'en sont pas moins des êtres surpuissants. Qui sait le nombre de personnes dans le monde qui ont des pouvoirs mais qui ne le savent pas encore ? C'est ce que soulignent les très nombreux plans subjectifs, qui nous font voir par le regard de nos trois personnages principaux. Nous voyons à travers leurs yeux car nous sommes comme eux. Le film nous encourage à montrer au monde nos capacités, nos talents, ce qui nous rend spécial, et à nous battre contre un système qui veut tous nous uniformiser et faire taire les différents.

  • Enfin arrive le troisième thème, beaucoup plus méta. Le pouvoir des images et du cinéma. Le film commence par une bande de voyous se filmant en train d'agresser des personnes et postant ces videos sur Internet, puis se termine par

    les images des caméras de surveillance de l'hôpital qui sont diffusées dans le monde entier, révélant l'existence des super-héros.

Le message semble assez clair. Les images ont un pouvoir, et les films doivent être utilisés pour transmettre la vérité et non la violence ou la décadence. Ainsi, Mr Glass semble être comme M. Night Shyamalan : le réalisateur, le metteur en scène des super-héros. Difficile aussi de ne pas voir une critique du cinéma actuel, notamment les films de super-héros.

Le film fait d'ailleurs référence à Marvel pour créer une fausse piste, induire le spectateur en erreur quant au dénouement de l'histoire. On est ici loin d'un Avengers.

Alors, quand on voit la richesse des messages abordés dans Glass, il est difficile alors de comprendre comment certains peuvent considérer ce film comme mauvais. Des faiblesses, en-a-t-il ? Oui. Un premier acte un poil brouillon, devant sauter entre différents lieux pour pouvoir présenter tous les personnages de son histoire. Quelque dialogues un peu trop explicatifs. Une fin extrêmement tranchée

(les meurtres des personnages principaux, presque humiliants)

Mais est-ce un défaut d'être tranché ? D'avoir un parti-pris original ? C'est peut-être ça la raison du mécontentement de certains spectateurs. Avoir en face une oeuvre d'un auteur qui affirme ses convictions, qu'elles plaisent ou non. Mais si on en vient à remettre en question la fin de ce film, n'en vient-on pas à remettre en question le principe même d'un auteur : mettre un peu de soi dans ses oeuvres, afin de les rendre plus personnelles ?

Finalement, si les gens n'aiment pas Glass, c'est peut-être parce que Shyamalan a mis trop de soi-même dans ce film

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le 24 juin 2023

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MrGabichon

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