Le final, diaboliquement jouissif et implacable, fait pardonner une heure centrale parfois bancale.

M. Night Shyamalan est un sacré malin, on le sait, roublard et sûr de lui parfois même. Mais doué comme peu d’autres metteurs en scène pour nous faire passer des vessies pour des lanternes et nous faire tomber de notre fauteuil avec des twists renversants et la plupart du temps très habiles. Mais lorsqu’à la fin de « Split », il raccordait in extremis le film avec une autre de ses œuvres à priori totalement dissemblable, « Incassable », il nous avait laissés tout autant dubitatifs qu’intrigués. « Glass » se présente donc comme le troisième volet d’une trilogie qu’il aurait adroitement mûri pendant des années. Après avoir vu cette troisième mouture, on est conquis par la pertinence de son propos et la cohérence du tout. Mais le problème et ce qui déçoit un petit peu, c’est que pour y arriver, cet ultime épisode passe par des moments quelque peu laborieux. Cette conclusion (ou peut-être pas !) est plus ou moins divisée en trois actes dont un premier qui nous remet dans le bain. Le suivant souffre malheureusement de longueurs, d’un aspect un peu bancal et comporte deux ou trois invraisemblances préjudiciables à la crédibilité de l’ensemble. Mais la dernière partie, diabolique et fascinante, permet de clore en beauté et avec panache cette vision méta sur les super-héros.


Pour ceux n’ayant pas vu les deux autres films, il sera peut-être difficile de bien saisir tout ce qui se passe et se dit dans « Glass ». A raison, Shyamalan choisit de ne pas trop radoter pour ne pas ennuyer ceux les ayant vus, quitte à laisser de côté une partie du public. On a le droit à une réflexion sur l’univers des comics et la notion de super-héros. Finalement, le film arrive à point nommé en cette période de domination des films à grand spectacle par les productions issues de Marvel ou DC Comics. Sans pour autant être opportuniste. C’est le reflet en biais de tout un pan de notre cinéma à pop-corn actuel. Le discours entretenu ici est néanmoins beaucoup plus ancré dans la réalité et Shyamalan, peut-être un peu prétentieux, réinvente tout cet univers devenu balisé et trop prévisible. Et c’est dans la dernière demi-heure, totalement jouissive, que l’on prend conscience de l’ampleur de sa vision. Les différents twists s’enchaînent de manière fluide, logique et galvanisent notre plaisir de spectateur cinéphile. Le spectateur lambda sera peut-être moins concerné mais sa réflexion s’avère passionnante. Et si pendant un bon moment du film, on se dit qu’il a vraiment du mal à raccrocher les wagons et que tout cela vire à la fausse bonne idée avec tous ces personnages qui reviennent comme dans un bouquet final, la fin qu’il a écrite et qu’il nous a concocté lui donne pleinement raison. On aurait même envie d’en savoir plus et qu’il prolonge encore cet univers, cette boîte de Pandore qui pourrait tout à fait devenir le pendant réaliste du Marvel Cinematic Universe.


Cependant, le film n’est malheureusement pas parfait. Il n’y pas le sentiment de thriller fantastique et psychologique définitif que pouvait avoir « Split ». Le scénario retors de ce dernier, la peur qu’il instaurait et le fait d’avoir un James McAvoy incroyable au centre en faisait un pur chef-d’œuvre du genre. Ici, l’acteur éclipse toujours ses partenaires mais se retrouve forcément un peu à l’étroit dans cette partition à trois. Et le milieu du film, toute la partie dans l’hôpital psychiatrique, souffre de nombreuses longueurs et moments en creux. De plus, il y a trop d’invraisemblances comme la manière dont la police retrouve David Dunn et la Bête au début du long-métrage mais surtout la facilité avec laquelle on se balade dans cet asile comme dans un moulin. Ce n’est pas vraiment préjudiciable dans l’ensemble à la force du film mais ça l’empêche d’atteindre les sommets qui lui étaient promis. Heureusement, la mise en scène du cinéaste est toujours acérée, la musique est glaçante et l’affrontement final comporte son lot de scènes impressionnantes. Et, encore une fois, cette fin multiple est d’une saveur que trop peu de films procurent à notre époque au spectateur. De celles qui vous flattent les esprits, enchantent le cœur et donnent du plaisir au plus profond de chaque spectateur amoureux de cinéma et d’introspection sur le genre.


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JorikVesperhaven
8

Créée

le 18 janv. 2019

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Rémy Fiers

Écrit par

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