Il faut être patient. Non, tout ne nous est pas donné, et il faut faire ses courses avant de casser les œufs. Car ce film est un peu comme une mayonnaise recette maison, une que l’on commencerai à monter avec beaucoup d’ambition et d’investissement, puis dont on aurait un doute sur la recette en plein milieu de sa confection, et qui finalement, s’avérerai bien meilleure que les autres, bien mieux que les Lessieurs en tube et les Amora-kid, bien meilleure que ce qu’on espérait. God Bless America c’est la mayo maison des Juno, et autres films « indé » pondu après une écoute trop intensive de Soko. Aucun problème avec l’industriel d’ailleurs, je me ravie simplement d’avoir assisté au coup de feu le plus sensé qui ait eu lieu depuis longtemps*.
Franky, mister shankly … ah merde deux contrepèteries pas très abouties c’est trop pour une seule pseudo-critique. Bref, Franky, l’homme le plus raisonné de cette planète, a justement décidé de combattre la cruauté avec déraison. Parce que franchement, il y en a marre de se fatiguer avec des mots qui trouvent écho dans les cerveaux vides des abrutis et se cognent aux parois de leur crâne pour finalement tomber bien profond dans leur tube digestif, au point d’achever leur voyage par un grand saut final au dessus des toilettes, indemnes car jamais ingérés et surement pas digérés. Oué, Frank en a ras-le-bol de l’abrutissement, du coup, il abat sans discuter.
Roxy, elle, bin c’est une autre rescapée de la société pré-machée. Un peu plus réac, un peu plus bavarde, mais tout aussi maniac de la gâchette.
Évidemment, pour s’assurer le bon goût de notre mayonnaise, il faut suivre la recette, et rares sont ceux qui maîtrisent le freestyle-style. Alors on place les éléments : le mec a une sale vie, vient de se faire licencier, est divorcé et a une fille qu’il tuerai avec plaisir si elle n’était justement pas sa fille. L’élément déclencheur : une tumeur au cerveau. (Par pitié, les Breaking Bad addict, n’y voyez pas là une référence, c’est juste un scénar’ parmi 4000 autres). Il rencontre Roxy et ensemble ils décident de tuer pour leurs convictions, de rendre un peu plus clean cette putain de populace tenue dans un éveil artificiel grâce à la moquerie et la peur. Et c’est là qu’advient le hic, le doute : « fallait-il de la moutarde forte ou douce ? ». Après un début entrainant, un rythme crescendo qui m’a fait envisager le meilleur, je me suis demandé pourquoi faut il toujours que ceux qui aient des couilles, qui portent leurs valeurs jusqu’au bout, pourquoi doivent ils toujours être désespérés ? Pourquoi, putain de merde, devrait on toujours attendre le dernier moment pour réagir ?
Je vous l’ai dit ; il faut être patient. Comme ce que prône ce film, le contenu ne nous est pas donné entier, en une fois, déjà regardé, déjà analysé. C’est en me faisant languir avec des scènes loufoques mais jamais lourdes, que j’ai pu me délecter ensuite du chemin qu’à pris l’histoire, dissipant mon doute et faisant monter la dopamine encore un peu plus.
Et voilà, c’est avec sa bière, dans un ralentit jouissif, et sur Howlin’ for you des Black Keys, que Franck m’a fait kiffer, qu’il est sortit de sa maison numérotée comme un prisonnier l’est, empruntant sans le demander la caisse de son voisin qui par ailleurs laisse flotter le drapeaux des USA à sa fenêtre, illuminant l’extérieur d’un bleu, blanc et rouge patriote et imbu.
Mais Franck et Roxy ne jouent pas aux anti-conformistes anti-amérique anti-tout-ce-qui-se-rapporte-à-l’évolution, et c’est aussi ça qui change. Pas moraliste pour un sous, ni même pour une chemise à fleurs, le discours est juste différent. Parce qu’il laisse au spectateur la possibilité de réfléchir, parce qu’il fait semblant de ne s’intéresser qu’aux États-Unis pour finalement dénoncer un phénomène universel et parce que la solution proposée est complètement absurde, ce film est sincère et intelligent.
Et alors que l’on pense assister à la plus réaliste des condamnations contre la superpuissance américaine, on réalise après quelques scènes que God Bless America, contre toute attente, nous montre aussi l’une des plus grande qualité des États-Unis ; son esthétisme. Ses limousines chromées, son drapeau aux couleurs criardes, ses banlieues intemporelles, sont autant de paysages urbains qui dispersent l’aura mystique de ce pays et entretiennent le rêve américain.
Le film a sans doute des défauts, et on ne l’appellera jamais un chef d’œuvre faute à quelques mous moments et à une structure surement plus consensuelle que son propos, mais je n’ai nullement l’intention d’en parler parce que des idées aussi intelligentes et un film aussi politiquement incorrect, ça se fait bien trop rare !
Réveiller les consciences à travers le viseur d’un AK-47 était un brillant concept, qui ne trouvera surement pas réponse avant 10 ans vu le million de nouveaux comptes twitter chaque jour.
May God bless this fucking America.
*notion volontairement floue