Autant que vous le sachiez tout de suite, j’adore la mythologie égyptienne et je pense que, sans être une experte, j’en connais un petit rayon. Je m’attendais donc à agoniser dans d’atroces souffrances en regardant ce film qui leur est consacré (à dire vrai, compte tenu du nombre de péripéties qui leur arrive, m’est avis que le format série télé est plus adapté…). D’ailleurs, dès la bande-annonce, je m’étais pris une baffe dans la tronche en découvrant cette belle brochette d’acteurs caucasiens pur souche pour interpréter les Egyptiens de l’époque (ceci étant, de ce que j’ai lu, Ramsès II était blond… ça doit être à cause des influences grecques et romaines sûrement).


Des mois plus tard, devant la pauvreté du programme télé de cette fin d’août, je décide de jeter un œil à la programmation Canal+ et découvre donc que Gods of Egypt est là. Super, préparez le pop-corn (et puis le katana pour un seppuku en bonne et due forme pour avoir osé lever les yeux sur ce Gloubiboulga hollywoodien).


Cependant, je dois vous avouer que c’est moins pire que ce à quoi je m’attendais. Les Américains sont pourtant particulièrement doués pour massacrer les mythologies du Vieux Continent (Hercule, Troie…), mais là, pour le coup, ils ne s’en sont pas trop mal tirés. Tout n’est pas correct, évidemment, et quelques largesses ont été prises, mais ça aurait pu être bien, bien pire.


Dans les choses qui collent avec les textes anciens, il y a bien sûr l’opposition Osiris/Seth et Horus/Seth, les liens amoureux Seth/Nepthys et Horus/Hathor, Râ sur sa barque solaire qui affronte Apophis tous les soirs et le fait que Thot ait été là depuis le début du monde (même si, pour le coup, il a l’air plus jeune qu’Horus…).


Dans celles qui ne vont pas, je pourrais citer :



  • l’aspect chronologique (Horus a été engendré après que Seth ait découpé Osiris en petits morceaux) ;


  • l’aspect généalogique (dans mes tablettes, Seth et Osiris sont les fils de Geb et Nout, eux-mêmes enfants de Shou et Tefnout… point de Râ dans cette lignée (au contraire, le dieu soleil était même plutôt opposé à leur naissance)) ;


  • l’aspect dénominatif (Osiris n’a jamais été Dieu de la vie (à la limite, avant de se faire découper façon Apéricube, il était le dieu protecteur de la végétation, mais ensuite, il s’est plutôt retrouvé à juger les âmes des morts). Nephtys est ici Déesse de la protection (la protection de quoi ? Allez savoir. En fait, elle était elle-aussi affiliée au Royaume des Morts, aux côtés d’Osiris). Et, en point positif pour le coup, ils ont évité l’écueil de nommer Seth, Dieu de la mort (du chaos, de la foudre, de l’orage, des tempêtes, etc., oui ; mais de la mort, non) et ont préféré le nommer Dieu de… rien) ;


  • l’aspect qualificatif (dans les textes d’origine, Seth et Horus ont beau se détester, ils se retrouvent normalement tous les soirs pour protéger Râ d’Apophis en s’installant sur la barque solaire. Et puis, si Hathor est bien la Déesse de l’amour (et de la musique et de plein d’autres trucs sympathiques), elle n’est pas la péripatéticienne divine du coin (pour le coup, il existe une autre déesse beaucoup moins connue qui se charge de cette tâche, notamment auprès de Râ)) ;


  • l’aspect morphologique (et là, on rentre dans le pointilleux, mais je tenais à en parler : Seth n’arrache qu’un seul œil à Horus qui, en contrepartie, l’émascule façon Delicatessen, expliquant ainsi sa stérilité, et puis ce n'est pas le cœur d'Osiris que l'on n'a pas retrouvé (mais quelque chose beaucoup plus bas)… mais je peux comprendre que ces détails n’aient pas eu leur quart d’heure de gloire dans un film pour la masse populaire).



Bon, tout ça ne représente que ce qui m’a sauté aux yeux hier soir. M’est avis qu’en grattant plus, y’a moyen de trouver encore deux-trois écueils, bien que ce soit assez difficile quand on voit le peu de divinités qui sont citées au cours du film (si mes souvenirs sont exacts, seuls huit ont un prénom et même Isis n’est pas nommée (c’est pourtant la mère d’Horus)). J’imagine que, pour ne pas embrouiller le cerveau des néophytes, il était préférable de ne se limiter qu’aux plus connus (sachant que nous ne sommes pas dans un documentaire National Géo, je peux tout à fait le comprendre).


A la première lecture de cette critique, vous devez sûrement penser que le visionnage de cette « œuvre » a dû être une véritable purge… En fait, non. Alors, je n’ai pas été émerveillée, je ne me suis pas roulée par terre en pleurant de rire, mais je n’ai pas dégainé mon sabre non plus. J’ai apprécié certains choix de la réalisation : faire des dieux plus grands que la populace, les rendre mortels, montrer toute l’importance de l’Après-Vie pour le peuple égyptien, énoncer une énigme qui sort du classique de l’homme qui marche à trois pattes le soir, etc. Moins d’autres, comme les ellipses temporelles gigantesques qui charchutent le scénario en repeignant les murs et l’amourette cucul-la-praline entre Bek et Zaya (avoir un nom pareil et se retrouver avec des décolletés plongeants à chaque scène, pauvre gamine). J’aurais également adoré voir plus d’affrontements divins, mais avec moins d’images de synthèse qui piquent les yeux.


Au final, un film à l’esthétique plus ou moins heureuse, avec une petite recherche mythologique qui fait quand même plaisir à voir, mais qui demeure néanmoins très plat. Le rythme est assez monotone (pour un film d’action, ça la fout mal), les dialogues sont creux et l’humour est quasi inexistant. De manière générale, l’équilibre entre la comédie et le drame est assez mal dosé, au point que le film n’est ni l’un ni l’autre.


Sincèrement, j’aurais adoré que Bek rejoigne Zaya dans la mort et qu’ils soient tous les deux réunis dans l’Après-Vie. Plutôt que cette fin à la sauce Disney avec ce Râ qui tombe comme un cheveu sur la soupe pour accorder un bon point à Horus…


Bref, ce n’était pas la catastrophe annoncée mais je ne me relèverais sûrement pas la nuit pour le voir.

NicodemusLily
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le 26 août 2017

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