Je sais que je suis très bon public, de manière générale. Surtout lorsqu’il est question de blockbuster. Mais je pense que les choses vont encore plus loin ; ce n’est pas seulement le genre qui plait, que ce soit à moi ou au plus grand nombre, qui se déplace en masse pour profiter de ces spectacles. Les gens veulent être divertit, certes. Mais ils veulent aussi rêver, s’éloigner de la réalité parfois trop simple et terre-à-terre que nous vivons constamment. Et ça, la science-fiction la bien compris.


C’est précisément ce terreau fertile, qui est ma came : cette dualité (symbiotique comme dirait le Dr. Stanton) entre la SF pour me faire voyager, et le blockbuster pour me stupéfaire durant le spectacle. Ne cherchez pas plus loin, la recette est finalement bien simple. N’oubliez simplement pas d’entretenir aussi le fond et la forme, de dilapider le budget dans des effets spéciaux dantesque, sans jamais perdre le spectateur dans un trop plein explicatif (ne le prenez pas non plus pour une bille, s’il vous plait). Saupoudrez le tout d’une campagne marketing bien agressive mais maitrisé, avec des bandes annonces sur lesquelles on peut entendre du Debussy, et intégrez votre histoire finale dans un univers étendu, faisant des liens entre les autres produits de la franchise. Tout le monde sait depuis dix ans que les univers étendus, quand ils sont bien agencés, sont une manne financière incroyable, alors ne vous en privez pas.


J’aime cette recette. Je l’adore, même. Il n’y a rien de complexe, de savant, et même de simples exécutants au service des studios de production peuvent s’en charger. Il suffit de ne pas bâcler une étape, ce qui est en définitive plutôt simple. Faites-moi voyager, loin de la réalité, toujours de façon bluffante. J’ai envie de rêver, toujours plus loin, repoussant les limites d’un monde étriqué, et d’aller au-delà, dans l’impossible, le grandiose, le spectaculaire. Peut-être qu’un jour, cette recette sera tellement réussie qu’on en touchera presque le syndrome de Stendhal. Pour l’heure, je vais me contenter de ressortir en ayant le souffle court, et le rythme cardiaque emballé.


C’est comme ça que je sais que la recette a fonctionné.




Le premier film Godzilla du Monster Cinematic Universe, réalisé par Gareth Edwards en 2014, compte parmi mes petits coups de cœurs favoris de cette décennie. Simple et parfaitement bien exécuté, il réussissait l’exploit de nous rendre minuscule face à une menace qui nous dépassait, et que seules nos bombes pouvaient atteindre. L’Homme devenait risible, un insecte au milieu d’un combat de géants. Après plusieurs années d’attente, et un Kong bien mou et malheureusement oubliable, le MonsterVerse reprend du service, avec la suite directe du premier Godzilla. Se déroulant en 2019, soit cinq ans après les évènements de San Fransisco, ce nouveau film va redéfinir la frontière entre les Hommes et les Anciens Dieux.


Ce n’est plus une surprise, nous sommes entrées dans une ère du numérique qui permet littéralement toutes les folies visuelles passant par la tête des concepteurs. Démocratisées au possible, les technologies permettant de magnifier une créature surnaturelle n’ont plus rien de complexe à mettre en place. N’importe quel film pourvu d’un budget suffisant est à même de s’offrir un spectacle dantesque. Mais est-ce pour autant une raison de bouder notre plaisir ? Car King of the Monsters coche toutes les cases du bingo démesuré, celui d’une équipe technique avec une vision propre de ce qu’est le gigantisme à outrance. Repoussant les codes esthétiques du genre toujours plus loin, ce nouveau film défonce littéralement ce qu’Edwards avait précédemment mis en place, offrant une nouvelle échelle de ce qu'est l'immensité à taille humaine. Montrant finalement bien peu les Titans à leur taille réelle, le réalisateur Michael Dougherty préfère filmer à hauteur d’homme, usant de l’exacte même stratégie qu’Edwards avait mise en place il y a (déjà) cinq ans.


Il est vrai que le film ne révolutionne rien, impossible de prétendre le contraire. Cependant, ce nouvel opus cherche à nous emmener dans une nouvelle ère, permettant aux films de monstres de véritablement s’épanouir dans leur élément, avec les effets visuels adaptés à leur échelle tout simplement indescriptible.


Le film est très aseptisé, trop propre sur lui. Les personnes sont tuées hors champ, cachées, ou emporté ans une explosion si énorme, qu’il est alors impossible de s’identifier à qui que ce soit, par la distance. On peut aussi reprocher au film les étranges décisions d’une de ces protagonistes, ou le fait que l’antagoniste soit incroyablement trop sous-estimé (Charles Dance, totalement à l’étroit dans un rôle qui ne le met pas en valeur), mais c’est finalement bien peu de chose face au spectacle d’une Humanité coincée, luttant pour une survie de plus en plus comprise.


Du reste, l’identification est totale. On se croirait presque être au milieu de cette foule, fuyant une menace qui la dépasse en tout point. Au milieu de ces soldats, qui ne cherchent plus que la fuite, jetant un subtil coup d’œil au-dessus de leur tête, pour ne pas finir écraser sous une gigantesque patte de monstre. Tout est trop grand, et décidément trop impressionnant. Certaines scènes sont longues, faisant durer un spectacle à même de vous plaquer contre votre siège. Par sa capacité à dépeindre un univers aux dimensions hors norme, ce nouvel opus de Godzilla nous offre le pinacle de ce qui est le film de Kaijū par excellence. Les costumes sont totalement gommés, outrepassé par le réalisme des effets visuels. Le rêve est total, le dépassement aussi.


Ken Watanabe nous montre avec joie qu’il reste un excellent acteur légèrement sous-estimé, véritable protagoniste de ce diptyque consacré au plus connu des monstres géants. Bear McCreary nous offre une bande-originale en accord avec le ton épique de l’œuvre, participant plus d’une fois à magnifier une créature par le son. Enfin, Michael Dougherty film peut-être de manière plus propre qu’Edwards avant lui, mais garde cette même puissance, tout en réhaussant de façon stupéfiante la puissance des monstres à l’écran. Le réalisateur nous offre aussi toute une série de plans incroyablement beau dans leurs visuels (mention toute particulière pour le titan Mothra, somptueux au possible à chacune de ses apparition). Enfin, je tiens à souligner l’effort mis en place par Max Borenstein (scénariste avec Dougherty) pour incorporer ce film dans le MonsterVerse, via les multiples rappels au premier Godzilla de la franchise, et au film Kong, plus qu’allègrement mentionné et notamment dans le générique final !




J’ai une incroyable faiblesse face à ce qui me dépasse, à toutes ces forces plus grandes que moi et que je ne comprendrais jamais totalement. J’aime le gigantisme des cieux, et la puissance de l’imagination humaine pour nous porter toujours plus loin dans cet univers aux proportions cosmiques. Je chéris cette capacité à repousser les limites de l’esprit, continuellement. Le cinéma est un exutoire sans pareil, permettant aujourd’hui de mettre en place cette recette, mélangeant Science-Fiction et Blockbuster, dégoulinant d’effets visuels prononcé, afin de vendre du rêve.


Je n’ai jamais été aussi content de grandir avec le cinéma de ce siècle, et la démesure d’un genre que je chérie, envers et contre tout.

Sherns_Valade
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le 2 juin 2019

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Sherns Valade

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