Perdu dans les bas-fonds du Hamburg des années ’70, le bar “Der Goldene Handschuh” était le repère de toute la misère du monde, sous les traits d’une humanité défraîchie et démunie. Fritz Honka, serial killer impuissant au physique repoussant, venait y piocher les victimes de sa misogynie et de sa libido macabres, noyées dans le schnaps, son “courage liquide”. Les proies de ses instincts meurtriers? Des prostituées âgées, obèses, édentées, ruinées, détruites par le temps et la vie, qu’il appâtait par l’alcool et ramenait chez lui. Puis il les violait, les tabassait à mort, avant de laisser pourrir leurs carcasses démembrées dans les recoins de son appartement, un grenier insalubre puant littéralement la mort.
Faith Akin choisit de retranscrire sans retenue ni censure les sévices commis par Honka sur ces femmes dégradées, plutôt que de se concentrer sur le “pourquoi” et d’aller aux racines du mal et des éclats de violence de son tueur frustré et difforme, présenté avec un mépris humiliant. Cette direction clairement affichée dès l’introduction le conduit à mettre en scène le misérabilisme de ce purgatoire brutal de manière violente et frontale au long d’un scénario superficiel totalement dénué de toute étude de personnage. C’est bien là la particularité de ce film nauséabond, qui ne cesse de démontrer sa propre futilité au travers de son jusqu’au-boutisme salace, qui frise le malsain. Akin maximise la froideur et le réalisme, et en cela éteint toute étincelle de passion ou de mystère pour ne garder que le mauvais et le répugnant. Nous voyons le monde avec les yeux de Honka, et son monde est abominable.
Précédé d’une réputation sulfureuse, “Golden Glove” est une œuvre fétide au sein de laquelle les murs et les corps moisissent à vue d’œil. Pour le glamour toxique accordé à Ted Bundy ou la psychanalyse de “Zodiac” ou “Mindhunter”, il faudra repasser ; ici rien ne sauvera personne, car tout est voué à se décomposer avant de disparaître. L’esthétique y est d’une laideur implacable, avec une prédominance dérangeante de la couleur brune; du sang séché par terre au porno vieilli sur les murs, en passant par la nourriture infâme, les meubles boisés ou encore les bouteilles vides qui s’amoncèlent partout. Tout y est vil, nauséabond, ivre, vain. Car tout n’y est que douleur, malaise, sueur, crasse et désespoir.
Pourquoi pas ? Mais à quoi bon ? Et vice versa.