Je ne m'attendais pas à grand chose en lançant ce film, et sa présence sur Amazon Prime ainsi que son image laissait planer le doute sur la tonalité de ce film qui avait autant de chance d'être un film d'ambiance assez sympathique qu'un gros nanar tout lisse, en tous cas assez premier degré. Le titre même laissait planer le doute sur son caractère fantastique ou non. Il est certes difficile de se fonder sur des préjugés pour le choix d'un film (même si centaines fois il y a peu de doute), mais il faut dire que le début du film ne laissait pas non plus beaucoup d'espoir et semblait plutôt nous orienter vers ma première intuition.
En effet, même si l'ambiance du film, assez sombre et avec le cachet londonien d'époque, restait charmante, l'histoire semblait relativement classique voire neuneu. On comprend en effet mal pourquoi ce policier a envie de défendre la femme accusée d'avoir empoisonnée son mari et l'ensemble de l'enquête sur le plan de l'intrigue demeure - même à la fin - très peu crédible. Ce sentiment est renforcé par le fait qu'il n'y a que très peu de contexte, ce qui donne l'impression que ce policier est catapulté là sans encadrement ni véritable personnalité. On comprend peut-être qu'il sert d'observateur, mais ce n'est pas une excuse pour que le public se farcisse une telle relation sans intérêt.
Toutes ces faiblesses de l'intrigue et la superficialité des enjeux liés à l'enquête en cours pourraient nous laisser penser à un film au mieux divertissant mais voué à être oublié dans l'heure qui suit...et pourtant...
Pourtant en effet ce Golem déploie en parallèle, presque secrètement jusqu'à ce que la fin du film lui donne du sens, un motif artistique tout à fait grandiose, dans un jeu de miroirs inversés autour de l'amour du jeu, le tout centré sur le goût du macabre. Car ce Golem est aussi le créateur et l'acteur d'un spectacle vivant, représentant ce désir d'attention et de gloire. Cette allégorie sera aussi reprise dans les scènes de théâtre (la femme accusée du meurtre de son mari et son ami sont acteurs dans une salle de spectacle/cabaret) qui empilent les détails qui font sens une fois que le final apparaît à nos yeux et plusieurs phrases presque inoffensives reviennent à notre mémoire pour nouer le motif du film. En ce sens, ce Golem rentre dans la catégorie des films symboliques dont l'objectif réel, au delà du scénario qui n'est qu'accessoire, est d'aboutir à la clé d'un motif dont chaque élément a été disséminé le long du film, ce qui explique sa note d'ailleurs, typique des films du genre (pourquoi ? je ne saurais le dire.).
Pour en revenir au final, j'ai beaucoup apprécié
Cette symétrie -ou plutôt antisymétrie - entre l'autre acteur qui commettait ses meurtres dans le spectacle, en somme qui faisait du réel dans le spectacle, et l'actrice qui mettait du spectacle dans le réel, toujours dans l'amour du macabre, les deux aimant cette attention et cette gloire de leur métier. On se rappelle alors la remarque de l'acteur à l'actrice "tu portes encore ton déguisement hors de la scène ? [...] moi je ne le porte que dessus", donnant la clé artistique du film avant l'heure, sans que le spectateur ne puisse comprendre à ce stade.
Que la scène de clôture représente la mort de l'actrice corrobore également deux éléments sous-tendus par le film ; premièrement que le récit même du film est douteux, que le Golem a construit lui-même sa légende, notamment dans son récit des rapports aux hommes et sur sa mère, deuxièmement cette symétrie déjà évoquée, et cette boucle qui ouvre et referme le film.
En somme, il y a vraiment ici une construction réfléchie et grandiose, loin devant l'intrigue de l'enquête relativement oubliable.
En résumé, ce Golem m'aura donné tort après ses presque deux heures de visionnage dans une ambiance de poésie amère - ce, malgré l'intrigue qui ennuie parfois, sans être non plus vraiment insupportable - grâce à son final magnifique, ramassant toutes les pièces disséminées de ce film dans une métaphore du spectacle. Un très bon film qui nous aura égaré même dans sa présentation première très éloignée de ce qui se passait en coulisse. Le Golem (le tueur), n'aura pas été le seul à nous égarer dans son récit tortueux, achevant un troisième jeu de miroir (ce" qu'est visuellement une mise en abîme au fond !) proprement savoureux. Merci d'encore produire ce genre de cinéma où ce n'est pas ce qui se passe qui est important, et ce même si le public le déteste !