Difficile, très difficile de parler du dernier film de David Fincher puisqu’il s’attaque cette fois au genre ultra casse gueule du film à twist. Et c’est d’autant plus compliquer dans le cas présent que Fincher agrémente son intrigue tortueuse et ses rebondissements obligatoires, d’un propos et de thématiques qui leurs sont intimement liées. Impossible dès lors de parler du film sans spoiler tout comme d’évoquer son sujet principale sans mettre la puce à l’oreille. Et ce constat est sans aucun doute ce qui fait toute la force et la complexité d’une œuvre brillante à tout point de vu.


Bon, je ne vais pas vous faire un récapitulatif de la carrière de Fincher qui de Seven (je passe volontairement sur le pourtant brillant Alien 3, puisque le réalisateur le renie) à Millenium en passant par Fight Club ou Benjamin Button a su construire une filmographie cohérente et audacieuse. Néanmoins, il est important de souligner que tous ses projets sont portés par une même obsession : celle de dépeindre le chaos intérieur de l’être humain et donc par extension celui du monde et de nos sociétés. Si c’est parfois évident comme pour Seven, Fight Club ou bien encore The Game, 3 œuvres dont le propos est renforcé par une mise en scène organique et ultra stylisé ; ses derniers films était moins enclin, à première vue, à faire ressortir les facettes les plus sombre de l’Homme. D’autant plus que le style du réalisateur, même s’il est toujours aussi complexe et maitrisé, c’est de plus en plus épuré au point de pouvoir parler de classicisme formel. Monumental erreur, puisque Fincher ne s’est jamais renié mais a su au contraire affiner son style pour faire passer ses messages ou ses interrogations existentielles de manière bien plus subversive puisque misant sur une forme d’entrisme sans effet de style visuel racoleur. C’est ce qu’on appelle une maturité artistique. Et cette maturité, commencé avec le brillant The Social Network, ce poursuit avec Gone Girl dont les prémices de base cache un propos bien plus radical.


Nick Dunn (Ben Affleck parfait) rentre chez lui un soir et découvre que sa femme (Rosamund Pike dans le rôle qui la révélé) a disparu. Il prévient aussitôt la police qui va très vite ce posé des questions. Le mari est-il vraiment celui qu’il prêtant être ? A-t-il un lien avec la disparition de sa femme ? Voir même la t’il tué et si oui pourquoi ? A première vue, le spectateur rentre dans un thriller domestique traditionnel à base de fausses pistes et de faux semblants. Mais si les apparences sont trompeuses pour certains personnages il en va de même pour le film en lui-même. Beaucoup de spectateurs ayant vu la bande annonce, et voulant jouer aux petits malins, pensait qu’ils connaitrais le film avant même de l’avoir vu. Prétextant que celle-ci montrait trop d’éléments de l’intrigue. Grosse erreur là encore, car sans rien dévoilé, il est claire que personne (hormis les lecteurs du livre dont le film est tiré, encore que) ne pouvais ce douter du dénouement final puisque celui-ci repose sur des rebondissements surprenants qui n’ont pas été montré lors de la promotion du film. Des révélations savamment dosées et qui posent progressivement les pierres du véritable sujet du film. Un dénouement inattendu certes mais aussi hautement subversif qui montre pourquoi Fincher c’est intéressé à cette histoire puisqu’il n’est pas sans rappeler, dans un contexte diffèrent bien sûr, celui apocalyptique de Seven (nihilisme assumé, désenchantement, perversion….). Vous trouvez tous ça mystérieux attendez de voir le film pour comprendre.


David Fincher restant David Fincher, il aurait été contre nature de ne pas faire de Gone girl un film au multiple facette et niveau de lecture. A ce titre l’un des éléments central du film et la description, plein d’humour noir, des médias qui, logiquement, s’emparent de ce drame pour l’arranger à leurs sauce. Gone girl devenant en plus des autres thèmes abordés et du genre dans lequel il s’inscrit, une œuvre socio-politique pertinente sur le mode de vie d’individu qui ne recherche plus LA vérité mais LEUR vérité. Fincher ce délecte de fustiger cette mentalité devenu monnaie courante par le biais de scène tour à tour cocasse et/ou terrifiante (les deux séquences miroir de la photo anodine qui, entre les mains de journaliste devient une preuve à charge reprise par l’opinion publique alors même que le spectateur sait que c’est un mensonge). Si ces éléments ne sont pas le cœur du récit il participe tout de même à étayer le propos globale du film et sont donc essentiels.


Filmé comme toujours avec une précision chirurgicale (Fincher est un grand perfectionniste) et interprété par des comédiens qui se livre totalement, Gone Girl est bien plus qu’un excellent thriller manipulateur, bien plus qu’une peinture acerbe d’une Amérique (du monde ?) gangrené par ses idéaux, bien plus qu’un portrait de personnage à l’humanité sombre, bien plus qu’un jeux de dupe où la vérité n’est plus ce quel est, c’est avant tout un chef d’œuvre anxiogène qui sonde l’âme du spectateur dans les moindres recoins. A n’en pas douter Fincher à encore frapper un grand coup.

Créée

le 1 oct. 2017

Critique lue 226 fois

Victor Tomadini

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