You two are the most fucked up people I've ever met.


« You. Fucking. Bitch. »



Tout comme Nick Dunne, ce sont sans doute les mots qui auront le plus traversé mon esprit durant les 2:30 où Fincher mène la danse. Je m'étais interdit de lire le roman de Gillian Flynn avant de voir l'adaptation au cinéma. Et je persiste à croire que j'ai bien fait. Si le roman se veut sans aucun doute être l'une des clés du succès de Gone Girl, Fincher n'y est pas étranger non plus. La raison est simple : il a su donner sa propre identité au roman, il l'a fait sien, et le résultat est éblouissant. Nul doute que Gone Girl s'inscrit d'ores et déjà comme un film culte, un des points d'orgue de la carrière de David Fincher. Ce dernier réinvente ici encore son cinéma, il ouvre à nouveau des perspectives infinies, vertigineuses, qui laisseront le spectateur cloué sur place, perdu face à l'immensité qu'il avait déjà entrevu avec, pour exemple, Fight Club, 15 ans plus tôt. Mais comment Fincher a-t'il fait de Gone Girl un tel chef-d'oeuvre ?



« What are you thinking ? What are you feeling ? What have we done to each other ? »



Gone Girl commence par ces quelques mots, accompagnés d'une envie sanglante. Pas le temps de se demander pourquoi, nous savons déjà que nous y sommes. Bien qu'étranges, ces mots font déjà sens, alors que nous n'avons aucune idée de ce qui suit. Mais déjà, Fincher joue sur le contraste, et nous sommes plongés au coeur d'une (sexe) histoire (sexe) d'amour (sexe) formidable (sexe), émouvante, et prenante. Nick et Amy Dunne paraissent comme une évidence. Nous sommes vite enrôlés dans cette belle histoire, déjà nous la vivons pleinement.
Seulement, Fincher va jouer de ça pour provoquer une première fois son spectateur. Détruire les apparences, ça semble être son truc. Première scène de violence. Mais pas n'importe quelle violence. Si elle devait choquer, cette scène provoque cependant tout le contraire : le spectateur est ébahi, il ne s'y attend pas, et pourtant il y prend son pied. Pas un choc, une remise en question, donc.


Dès lors, la traque commence. Quel est le Mal ? Qui est le Mal ? Où est le Mal ? Cette première partie de Gone Girl nous plonge au coeur du monde des apparences, du faux-semblant, et des faux-pas de Nick Dunne. Lui qui ne veut pas perdre la face, se retrouve bien vite emmêlé dans ce qu'il semble mériter. Fincher joue sur la personnalité de Nick pour le rendre à la fois admirable et détestable. Que penser de Nick ? Encore une fois, c'est à travers les apparences que Fincher s'amuse à balader son spectateur.
Puis vient le moment fatidique de la révélation. Saluons ici le travail formidable sur la musique de Trent Reznor et Atticus Ross. Premier climax de Gone Girl, cette scène, à mon sens, pouvait tout à fait clôre le film sans en altérer le goût. Sauf que la seconde partie se révèle encore bien plus géniale, et relève du chef-d'oeuvre.



« I will practice believing my husband loves me but I could be wrong. »



Après avoir passé un bon moment avec le brillant Ben Affleck en Nick Dunne, nous sommes désormais tournés vers l'excellente Rosamund Pike dans le rôle de Amy. Dès lors, tout s'emballe. David Fincher a toujours su faire jouer ses acteurs, mais là, Rosamund Pike frôle le génie.
Amy nous laisse sans voix entre rationnalité et folie. Fincher s'amuse à détruire le mariage, à exécuter l'homme. Pour ce faire, il utilise habilement un humour noir qui sied parfaitement au récit et qui laisse le spectateur entre toutes les émotions. D'ailleurs, compte tenu du propos de Amy, n'emmenez pas votre copine au cinéma, le débat post-séance est sans fin.
Le crescendo de la "folie" est saisissant et éclate dans une scène erotico-morbide qui lance un final de qualité, un final qui pousse le spectateur dans ses derniers retranchements. Littéralement, plus aucun bruit dans la salle. Tout semble s'être arrêté. On n'oserait presque pas respirer, tant cette scène nous a scotché pour de bon. Et ce qui suit est de même envergure. Ce qui suit est une torture à la fois morale et mentale. Difficile de cerner l'étendue de la pensée finale et de Amy, et de Nick.



« We caused each other pain. - That's marriage. »



Si le final laisse sans voix, il ne laisse cependant pas sans réflexion. Si Fincher s'est amusé avec l'image du mariage, il propose également une satire médiatique très virulente, jouant une fois encore sur le thème des apparences. La mise en abîme à la fois romancière et cinématographique est également un point très intéressant, puisque ce que veut Amy, c'est-à-dire ne pas jouer un rôle et être l'auteur de sa vie, lui est finalement impossible. Nick Dunne, l'écrivain raté, n'est lui aussi finalement qu'un personnage, dirigé par ce metteur en scène qu'est le mariage.
La dernière scène, rappel de la première, laisse au spectateur une dernière réflexion quant au propos sanglant de Nick, face au visage angélique de Amy.


En quelques mots de conclusion, oui, Gone Girl est un chef-d'oeuvre et s'annonce d'ores et déjà comme un film culte et place définitivement David Fincher comme un artiste chevronné, méticuleux, et surtout génial. Il en va de même pour ses acteurs, Affleck et Pike. D'ailleurs, c'est un plaisir de retrouver le premier dans un rôle de son envergure.

vincentbornert
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le 12 oct. 2014

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le 12 oct. 2014

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