David Fincher,

Il a fallu attendre que tu entres dans ta cinquième décennie pour réaliser ton plus beau film, il faut dire que contrairement à certains je ne t'ai jamais réellement voué un culte malgré quelques chouettes films à ton palmarès, mais j'y reviendrai. Ton Seven et ton Fight Club ont évidemment marqué mon adolescence, je trouve cependant qu'il ont depuis sacrément mal vieilli, je n'ose parler de ton Alien 3, tu l'as toi même renié après tout. Et puis il y a eu Panic Room bourré de maladresses et enfin ton meilleur depuis tes débuts, Zodiac qui laissait présager un tournant dans ta carrière avant que ne débarque L'Étrange Histoire de Benjamin Button. Peut être as tu vu trop grand, ou tu n'as su contenir toute ton ambition, mais l'ensemble est rapidement devenu excuse moi de te le dire chiant comme la pluie malgré son enrobage esthétique particulièrement réussi. Après avoir touché à tous les genres, voilà que tu t'ouvres au biopic et honnêtement, c'est sûrement mon petit préféré après Zodiac, principalement parce que tu tapes juste à chaque fois avec une réalisation dynamique qui fait mouche. Pardonne moi, mais j'ai en revanche raté ton Millenium et me voilà donc en salle hier pour ton petit dernier...

Gone Girl, retour aux sources, adaptation d'un best seller, et une substance suffisante pour te lancer dans un Thriller , genre dont tu raffoles. En revanche, avec son synopsis de série B vu et revu moult fois dans de nombreux téléfilms écœurants, tu aurais pu aisément te casser la figure, vouloir en faire trop comme avec Button, ou pire, accumuler les twists alambiqués comme avec The Game que je n'ai pas souligné tout à l'heure, mais tu n'es pas tombé dans le piège, c'est même son antithèse.

Que te dire, tu m'as subjugué du début à la fin, sophistiqué dans sa forme, hallucinant de justesse dans son fond, tout coule de source, l'ambiance que tu installes dans les premières minutes à travers un Ben Affleck nonchalant est immédiatement pesante. Tout ce semblant de luxe, ces allées aux voitures bien garées, ces petites maisons qui se ressemblent, ce quartier où il fait bon vivre, tout cela semble factice. On ne comprend pas tout, on se questionne. Mais ta mise en scène est précise, les annotations en bas de l'écran mettent une pression constante, l'ajout de flashbacks et de Voix off se mélangeant au présent du récit nous perturbent, que faire, qui croire, tu nous manipules sur ton échiquier géant, tu fais avancer tes pions les uns après les autres et tu vises le mat sans artifices inutiles, tout est redoutablement calibré. Et puis ta direction d'acteur est toujours aussi forte, bien avant que Kristin Stewart se perde chez les vampires, tu avais su la tirer vers le haut et en faire une ado crédible dans Panic Room, Brad Pitt n'est jamais aussi bon que chez toi, tu as pu contenir l'énergie du petit Jesse Eisenberg qui mal dirigé peut devenir rapidement détestable, mais là, laisse moi te féliciter. Rosamund Pike, bon sang, celle qui ne dégageait strictement rien dans Jack Reacher, qui faisait de la figuration chez Wright tant elle était transparente et qui a accumulé entre temps les rôles dans de médiocres productions. Chez toi elle est fascinante, dans sa gestuelle, ses regards, sa voix, elle est tout simplement méconnaissable, et même si je n'ai pas toujours été fan de ton boulot, ça on ne peut pas te l'enlever, tu tires toujours le meilleur des acteurs qui bossent pour toi. Regarde Ben, quand il est chez Bay, Malick ou John Woo, c'est une vraie catastrophe et bordel chez toi, il est parfait le bougre, le visage, l'attitude, le sourire, impossible de prêcher le vrai du faux, le rôle de cet américain moyen nécessite bien plus de subtilité dans son jeu qu'il n'y parait et il faut saluer la prouesse. D'ailleurs si tu pouvais venir superviser tout ça quand il tournera Batman, je t'en serais reconnaissant parce qu'on pourrait avoir un Bruce Wayne assez génial dans cette dynamique.

Navré, je m'égare, mais que rajouter, en puisant l'essence d'un roman à succès, tu l'as recraché avec maitrise et délicatesse. Ta critique des faux semblants dissimulée sous des couches d'apparences dictées par la société , du journalisme sensationnel qui s'empare d'un fait divers quitte à détruire des vies sans le moindre fondement, de l'effet de masse perdu dans une foule totalement abrutie qui se déplace tels des moutons sans réfléchir est toujours pertinente. Le tout imbibé d'une pointe d'humour noir glaçante et utilisée avec parcimonie offrant des rires presque gênés tant il contraste avec l'ensemble de ton oeuvre.
Gone Girl est un film renversant, dans lequel chaque détail compte, aidé par une mise en scène précise, un montage impeccable et des plans toujours là pour une raison, le genre qui frappe fort avant, pendant et après être sorti de la salle, Well Done David, tu m'as conquis.

Avec toute mon admiration,

Gwimdor

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