Le film s’ouvre avec un plan serré sur la chevelure blonde de Rosamund Pike, une main qui la caresse et une voix off masculine se demande ce qui peut bien se passer dans cette tête, au-delà des apparences…

Mélange des genres

Gone Girl peut se voir comme une comédie noire. L’humour traverse en effet tout le film. Le décalage entre la gravité de la situation (sa femme est disparue et les indices laissent fortement à penser qu’il s’agit d’un enlèvement ou d’un assassinat…) et l’attitude de Nick Dunne imprègne le film d’une ironie subtile.

Comédie noire donc, Gone Girl se présente comme un vaudeville sombre d’autant plus efficace que la mise en scène ingénieuse et adroite de Fincher (comme souvent…enfin tout le temps) avive et intensifie le contraste entre la situation et le comportement de Nick. Du pur comique de situation en quelque sorte. La structure en flash-backs (fréquente chez Fincher) nous permet d’observer la dichotomie entre le couple idéal, original, parfait narré par le journal intime d’Amy et le couple qui s’immisce dans les méandres du mariage. Un comique bien plus grinçant et noir vient s’ajouter subtilement mais sûrement à la manière d’une nuée de sucre dans la nuit new-yorkaise.

On passe tout au long du film d’une comédie noire à un thriller psychologique presque Hitchcockien déguisé en polar. L’apparence du polar est soulignée par cette structure en chasse à l’homme. On file d’un indice à l’autre et on se prend à chercher le coupable, à suivre l’enquête policière en scrutant le moindre indice, en cherchant la faille dans le comportement de Nick qui nous révélera la vérité. En réalité, ce polar de forme est dans le fond un thriller psychologique profond sur l’enfer du mariage et les apparences.

Masques et apparences

Tout au long du film Fincher ne donne à voir au spectateur que les apparences, les faux-semblants. Il le réalise si bien que l’on laisse nos opinions varier en fonction de ces apparences tel un internaute parcourant le fil d’actualité Facebook. Après nous avoir expliqué la genèse de Facebook dans The Social Network, Fincher nous invite dans un monde où l’apparence est reine… »Les Apparences » est d’ailleurs le titre français du roman de Gillian Flynn (aussi scénariste du film) qui a inspiré le film. Chaque personnage clé du film est en permanence influencé par les apparences. Policiers, journalistes, voisines, famille,…

Au-dessus du jeu de piste de film policier, il y a le jeu social auxquels se livrent les personnages. Au sein du couple ce jeu s’instaure dès la première rencontre durant laquelle Nick se fait passer pour quelqu’un d’autre avec humour… Amy elle-même ne semble savoir vivre qu’en enfilant des maques, elle est d’ailleurs un « personnage » dès son plus jeune âge, « Amazing Amy ». Les personnages changent de masque social en fonction de la situation et des personnes. Cela ne fait pas qu’influencer la perception de la société, ça la conditionne totalement. Difficile dès lors de ne pas voir une satire de la société moderne et des médias de masse où l’apparence est souveraine. Tout tourne autour de l’image que l’on donne, celle que l’on a de soi, celle que les autres ont de nous.

C’est au sein de l’institution du mariage que ce jeu d’apparences et de masques s’épanouit le plus. Fincher nous dépeint le huis-clôt du mariage comme un enfer. Les apparences extérieures de richesse et de bonheur stéréotypées cachent de lourds secrets (le rapprochement avec le Wisteria Lane de Desperate Housewifes est évident).

Toute l’habileté de Fincher est de nous plonger dans ce monde par la mise en scène et par le casting excellent, le jeu de Ben Affleck nous pousse à se fier nous-aussi aux apparences. Le film en tant qu’entité porte lui aussi plusieurs masques: tantôt la comédie noire, tantôt le thriller psychologique fardé en polar.

Une esthétique qui sert le fond

Gone Girl est le premier film entièrement tourné en 6K, soit une qualité bien plus haute que la hd actuelle. Cela fait de Gone Girl un film remarquablement beau. La texture de l’image est si nette que la frontière entre notre monde et celui du film s’amincie. Cette caractéristique favorise notre immersion et nous nous prenons au jeux des apparences nous aussi…

Oui certaines scènes ou situations peuvent laisser songeur…oui la fin (différente de celle du roman) peut se discuter…mais Gone Girl est une autre preuve que Fincher fait parti des grands de sa génération.
Cin_edhec
8
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le 15 oct. 2014

Critique lue 406 fois

Cin_edhec

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