Mon incompréhension est totale sur ce film. Je ne parviens tout d'abord pas à saisir l'avalanche des bonnes critiques qui lui sont adressées. Noté 8/10 en moyenne sur SensCritique, c'est autant que Taxi Driver, Old Boy ou encore Reservoir Dog, soit un enthousiasme quasi-unanime des utilisateurs du site. Incompréhensible en ce qui me concerne ; sans doute faut-il donc en ressortir que je suis passé totalement à côté des différents intérêts de ce film. On va y revenir point par point, et on sera fixé.

Commençons par le synopsis. Rencontrons Nick ; Nick est une personne nonchalante, a priori assez peu amicale et qui semble un peu paumée (soit un rôle parfait pour Ben Affleck, irréprochable de bout en bout). Nick est marié avec Amy, la femme idéale que l'on nous vend dans les magasines. Amy est belle alors, quand elle disparaît, on est pris d'effroi.
Dès le départ, tout indique une mise en scène impliquant le meurtre d'Amy par Nick. Alors, s'agissant d'un thriller, tout indique au contraire qu'il n'en est rien, même si Fincher ne se lasse pas (à la différence du spectateur) d'accumuler les charges à l'encontre de Nick. La surprise est donc totale lorsque l'on se rend compte, horreur et stupéfaction, qu'Amy n'est pas morte ; il s'agit en fait d'une fuite visant à faire condamner pour meurtre son mari qu'elle sait infidèle.
On s'entend là-dessus, l'objectif de Fincher n'était pas de nous surprendre avec ce twist qui n'en est pas un. Pourtant, toute la réalisation (transition brutale entre la partie où l'on doit penser Nick coupable et celle où l'on retrouve Amy vivante) est dirigée comme si c'était le cas. Le résultat donne quelque chose d'assez bâtard dans le sens où le changement de perception que l'on se fait d'Amy (c'est-à-dire le passage entre la « femme parfaite » et la « psychopathe ») est extrêmement rapide et semble totalement inopportun. Je suppose que la psychopathie en tant que condition médicale est caractérisée par un manque de logique dans le comportement des malades mais nous nous trouvons devant un film, où il est apprécié d'avoir un certain cadre pour justifier la conduite dudit psychopathe. Dans Gone Girl, à l'exception de cette idée (absolument fantastique, sans doute insuffisamment exploitée) d'« Amazing Amy » où l'on imagine l'aliénation créée par ses parents, il n'en n'est rien. « Crazy Amy » ne me convainc pas, particulièrement lorsqu'elle décide de se réapproprier Nick après son passage à la télévision. Ce n'est pas un souci de casting, Rosamund Pike est plutôt convaincante (quoique la myriade de compliments à son sujet me semble un tantinet exagérée), c'est le personnage en lui-même qui manque d'intérêt et de consistance.

La raison est à mon avis très simple : l'histoire n'est pas suffisante. Reprenons notre résumé : Nick s'en prend plein la gueule par le « système » médiatico-judiciaire (nous reviendrons plus loin sur cette idée) et se retrouve totalement isolé avec sa sœur jumelle – accessoire mais bien jouée – et son avocat, qui est sensé ajouter une petite touche humoristique au film. « Crazy Amy » a bien préparé son plan machiavélique, on pourrait presque l'entendre exploser d'un rire diabolique lors de son road trip qui l'éloigne de son bled. Sa folie (déjà supposée par le piège qu'elle dresse à son mari, digne des meilleurs feuilletons télévisés de M6) prend progressivement de l'ampleur lorsqu'elle s'en prend également à « Barney » puis, enfin, lorsqu'elle revient retrouver un Nick totalement impuissant.
La fin, assez ouverte, est particulièrement sombre puisqu'elle nous montre la cohabitation forcée de ce couple détruit. Il me semble également que la fin est en résonance avec la scène du début, ce qui pourrait suggérer une prochaine tentative de meurtre ou un acte de violence de la part de Nick sur son épouse, avec les conséquences judiciaires que cela suppose. Je ne suis pas un amateur des « happy ends », une telle fin devrait sans doute me satisfaire. Mais je suis ressorti de la salle de cinéma frustré. Encore une fois, j'ai du mal à voir l'intérêt à cette situation finale. Je vois ci-et-là que c'est une vision imagée et critique du mariage, institution coercitive s'il en est ; j'ai personnellement du mal à me permettre une quelconque généralisation lorsque le couple en question se retrouve affublé de « Crazy Amy », que j'ai déjà mentionné être éloignée de toute réalité sociale pour s'en tenir à de simples et commodes troubles psychologiques (que Fincher affectionne depuis ses débuts). L'histoire est donc franchement banale (la mise en scène de son meurtre pour faire condamner son époux) et, en ce qui me concerne, assez peu intéressante. Le film n'en devient pas un navet pour autant parce que sa force se trouve ailleurs.

Fincher étant Fincher, la réalisation est orchestrée d'une main de maître. On ne cesse d'être sublimé par la beauté des images et de la musique dont le cumul nous offre une ambiance lourde et oppressante qui sied particulièrement à un thriller comme celui-ci. C'est à mon sens le point fort de ce réalisateur, le rythme est effréné et ne souffre d'aucune longueur (bien qu'il doit sacrifier certaines incohérences probables et l'utilisation de ficelles scénaristiques), ce qui n'est pas gagné pour un film de 2h30.

Il s'agit également pour Fincher d'entourer son scénario d'une forme d'état des lieux critique de notre société. Cet aspect me laisse un peu circonspect en même temps que j'en apprécie la démarche. Fincher, depuis ses débuts, cherche manifestement à se construire une image de réalisateur un peu « rebelle ». On peut ainsi y voir une forme d'introspection critique lorsqu'il s'en prend dans Gone Girl à cette « société de l'image », ce qui semble ironique venant de sa part (comme pour Fight Club). Mais les critiques qu'il adresse tantôt aux médias, tantôt au système judiciaire, manquent souvent d'originalité, de subtilité voire d'âpreté. Cela reste assez classique, ce qui donne au film un ton finalement assez consensuel. C'est la force des grands studios (et de Fincher depuis ses débuts) de proposer une critique sociétale qui ne bouscule finalement personne dans son fauteuil. On aimerait plus mordant ou, à défaut, plus innovant.

Ce sera au final un 6/10, ce qui n'est somme toute pas trop mal. Je ne peux mettre moins en dépit de ma déception tant le film est réussi à de nombreux points de vue (mise en scène, casting, musique, etc.). Mais je ne peux décemment pas non plus le noter davantage, cela demeurera selon moi un thriller assez peu mémorable. La déconvenue ressentie face à un film que j'attendais depuis longtemps pourrait expliquer la sévérité dont je fais preuve, et peut-être un second visionnage sans les attentes qui étaient précédemment les miennes pourrait me réconcilier avec Gone Girl. En attendant, cela restera pour moi un film agréable à regarder. J'espérais mieux.
Hugo_Grellié
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le 21 oct. 2014

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Hugo Grellié

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