Emma Bovary

Film à l'atmosphère pesante, Gone Girl est une puissante remise en question de la thématique sacrée du mariage. Convention d'un autre temps, souvent assortie d'une légitimation du système patriarcal, la vie maritale n'est jamais perçue, dans le monde magique du cinéma, comme un fardeau, ou pis, comme un simulacre. Ici, les variations des points de vue nous prennent à notre propre piège, nous égarent, pour finalement nous amener à la terrible vérité, celle d'une femme par trop soumise au poids du mariage, et qui souhaite prendre une revanche sur la vie. La tension, palpable au début, aussi légère qu'une odeur de parfum, devient pesante, laissant place au délire le plus fou de l'être humain, en prise à la colère. La manipulation, thème si cher au cinéaste, devient alors le maître mot du fil narratif. La quête identitaire prend progressivement une tournure sanglante, violente, dans ce monde où l'apparence (symbolisée par le mariage lui-même, mais aussi par l'omniprésence médiatique) est maîtresse. Tant et si bien que la vengeance elle-même, originellement mû par un désir de liberté, sera assouvie par l'unique outil médiatique et télévisuel, comble de cynisme. Le thriller est finement mené, brillamment interprété par deux acteurs très investis, et rendu angoissant paradoxalement par une musique légère, presque imperceptible, doucereuse et lancinante, lançant de temps à autre quelques sons aigus. D'une efficacité redoutable, et bouleversant à bien des égards...