Faire la guerre aux Talibans en Irak la journée et passer devant les casinos de Las Vegas pour rentrer chez soi le soir. Tel est le quotidien du major Thomas Egan (Ethan Hawke qui fait la gueule du début à la fin, l'a t-on forcé à accepter ce rôle?), ancien pilote de chasse aujourd'hui reconverti en pilote de drone de combat. Andrew Niccol montre les séquelles psychologiques affectant celui ou celle qui, du fin fond du Nevada dans une cabine climatisée, appuie sur le bouton pour larguer une bombe à l'autre bout de la planète sur des cibles jugées "menaces pour les Etats-Unis", au risque de tuer quelques civils au passage - civils in the wrong place at the wrong time. Good Kill fait immédiatement penser à American Sniper en ce qu'il montre les troubles post-traumatiques d'un militaire expérimenté à la vie familiale calamiteuse, mais aborde un aspect très différent de la guerre par rapport au film de Clint Eastwood: ici l'intrigue ne se passe pas sur le terrain et aucune balle ne sort de son calibre (vous avez dit film de guerre ?).
Malgré un film relativement court, le scénario semble peu étoffé et s'essouffle à la même vitesse que ces missiles commandés à distance. Les personnages manquent clairement d'épaisseur, les monologues didactiques sur l'enjeu militaire et moral des drones fatiguent. Good kill ne mérite pas la moyenne: 9/20.


Le supplément
Avis d'Isabelle Regnier, journaliste culture du Monde, critique de cinéma



Ce qui pose vraiment problème n'est toutefois pas d'ordre artistique, mais politique. Good Kill s'inscrit pleinement dans le paradigme de la guerre contre le terrorisme telle que la conduisent les Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001. Les Afghans ne sont jamais représentés autrement que sous la forme des petites silhouettes noires mal définies, évoluant erratiquement sur l'écran des pilotes de drones qui les surveillent. La seule action véritablement lisible se déroule dans la cour d'une maison, où l'on voit, à plusieurs reprises, un barbu frapper sa femme et la violer. C'est l'argument imparable, tranquillement anti-islamiste, de la cause des femmes, que les avocats de la guerre contre le terrorisme ont toujours brandi sans vergogne pour mettre un terme au débat. La critique que fait Andrew Niccol, dans ce contexte, de l'usage des drones ne pouvait qu'être cosmétique. Elle est aussi inepte en confondant les questions d'ordre psychologique (comment se débrouillent des soldats qui rentrent le soir dans leur lit douillet après avoir tué des gens souvent innocents), et celles qui se posent sur le plan du droit de la guerre, dès lors que ces armes autorisent à détruire des vies dans le camp adverse sans plus en mettre aucune en péril dans le sien. Si l'ancien pilote de chasse ne va pas bien, explique-t-il à sa femme, ce n'est pas parce qu'il tue des innocents, ce qu'il a toujours fait, c'est qu'il les tue sans danger.


Palatina
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le 8 mai 2015

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