Sorti il y a deux ans, Good Time, film indépendant américain réalisé par les frères Safdie, avait réussi a obtenir un petit succès critique qui avait piqué la curiosité. Deux ans plus tard, il est temps d’en savoir davantage à son sujet.


Good Time s’intéresse au sort de deux frères, l’un étant autiste, l’autre tentant de se débrouiller par tous les moyens possibles. Dans leur différence apparente, ils se rejoignent sur un point fondamental : ils sont incompatibles avec la société. Ce point de vue est mis en avant dès les premières minutes, présentant un entretien entre Nick, le frère autiste, et un psychiatre. Nick est défiant, il ne comprend pas pourquoi son interlocuteur note ce qu’il dit, il a peur qu’on retourne ses paroles contre lui. Puis Connie, son frère, déboule dans le bureau et extirpe Nick de la situation, pour l’embarquer dans un braquage qu’il a échafaudé. Et c’est ainsi qu’un engrenage fatal et destructeur s’actionne et va se mettre à broyer les protagonistes du film.


Good Time ressemble à une course infinie qui vise une ligne d’arrivée qui ne cesse de reculer. Connie et Nick sont des marginaux. De par leur condition, ils ne peuvent vivre dans les standards de la société et, par extension, dans la légalité. Leur situation familiale est floue, leurs soutiens bien peu nombreux, les deux frères ne pouvant compter que l’un sur l’autre. Ainsi, Good Time se présente comme une odyssée nocturne désespérée, où chaque solution est source de nouveaux problèmes, où les choses n’arrivent jamais par hasard et, surtout, où chacun est prisonnier de son destin. Pour provoquer cette descente aux Enfers, les deux frères cinéastes invoquent le motif de l’argent, l’un des piliers de la société moderne, objet essentiel à la survie de Nick et de Connie, qu’ils sont contraints de convoiter de manière illégale. La pauvreté est omniprésente dans Good Time, qui présente une galerie de personnages acculés, dans le besoin et accablés par de nombreux problèmes personnels. Dans ces ruelles sombres, dans ces petits appartements, la vie n’est jamais simple, le quotidien apporte son lot d’épreuves et le sort est souvent source de trahisons.


Le film des frères Safdie parvient à impliquer le spectateur dans cette course effrénée, dans cet enlisement progressif et inéluctable, grâce à une écriture intelligente mais aussi grâce à un travail non négligeable sur la forme. Le grain de l’image lui donne un côté « à l’ancienne », rappelant notamment les films des années 70, comme les premiers films de Scorsese, tels que Mean Streets et Taxi Driver, dont les frères Safdie se sont manifestement inspirés, sans être victimes de comparaisons avec les films de leurs illustres prédécesseurs. La bande originale, à l’instrumentalisation principalement électronique, associe mélodies construites et sons tenant davantage du bruitage, créant une ambiance particulière, presque hypnotique, et donnant à la musique un rôle tout à fait particulier au sein d’un film. Par ailleurs, Robert Pattinson livre ici encore une fois une grande performance, montrant sa capacité à s’adapter à des rôles exigeants, incarnant à lui seul tous les traumatismes décrits dans le film.


Si Good Time cherche toujours à déclencher des sursauts d’humanité dans un monde qui en semble dépourvu, il fait du destin le décisionnaire final, éteignant chaque lueur d’espoir avec un violent souffle de réalité. Mais le coupable est-il le destin ou de la société et de ses travers ? C’est bien une des questions fondamentales posées par Good Time, thriller nocturne, rugueux, un film plein de désespoir, mais qui reste en tête, qui marque. Une expérience tout à fait convaincante, au-delà des espérances que je misais sur ce film.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 1 déc. 2019

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