Sorti en 2017, et présenté lors de la sélection officielle du festival de Cannes, l’avant-dernier long-métrage en date des frères Safdie, le dernier étant l’incroyablement éprouvant Uncut Gems (2020), a fait son petit effet sur ceux qui l’ont découvert pour l’occasion. Il faut dire aussi que la volonté de Robert Pattinson de jouer dans des films aux antipodes du divertissement lisse et pauvre qu’était la saga Twilight a quelque chose de réjouissant. Et cette volonté d’émancipation, elle se sent particulièrement à la lumière de ce que son personnage représente dans le film des frères Safdie : un fauteur de troubles malgré lui.


Good Time narre donc l’histoire de Connie et de son frère Nick, vraisemblablement handicapé mental et interprété par Ben Safdie lui-même. Alors qu’ils viennent de commettre un braquage, le duo de frères se voit séparé : si Connie parvient à échapper aux forces de police, Nick, lui, se fait attraper. Une fois ce-dernier en prison, Connie se met en tête de libérer son frère, quitte à traverser toute la ville et à s’attirer de nombreux ennuis pour y parvenir.


Le film des frères Safdie prend donc une tournure assez particulière : au lieu de se concentrer sur la relation entre les deux frères, Good Time propose au spectateur de plonger en plein cœur d’une nuit mouvementée dans la ville de New-York. Et si le film a été de nombreuse fois comparé à After Hours (1985), grand film quelque peu méconnu de Scorsese, c’est notamment pour son aspect oppressant. Dans Good Time, comme dans le film de Scorsese, le protagoniste principal se fixe un objectif bien précis en tête, mais au cours de son parcours, il va rencontrer de nombreux obstacles qui empireront la situation, à tel point que l’objectif, qui semblait atteignable initialement, sera perçu comme étant de moins en moins envisageable.


A ce titre, les frères Safdie parviennent parfaitement à rendre compte de cette urgence, de ce sentiment pressant d’atteindre son objectif, par le biais d’une réalisation principalement effectuée à la shaky cam, donnant ainsi un rythme harassant tout en plaçant les protagonistes au centre du cadre, et d’un montage efficace. Par exemple, la scène d’appels téléphoniques effectués entre plusieurs protagonistes alors que Connie cherche à payer la caution pour faire sortir son frère de prison est d’une justesse en terme de montage et d’interprétation, notamment par celle d’une Jennifer Jason Leigh dont l’apparition tient plus du caméo que du véritable rôle, mais qui s’en sort tout de même très bien. De plus, on constate une certaine volonté de créer une certaine esthétique à travers le film, qu’il s’agisse des lumières type néons qui agrémentent le récit, la très belle photographie de Sean Price Williams, ainsi que la partition rétro signée Oneohtrix Point Never. Le tout rappelle quelque peu la trilogie Pusher mise en place par Nicolas Winding Refn, qui narrait également la descente aux enfers de personnages et l’accumulation de problèmes variés que cela entraîne.


Pourtant, malgré ce rendu esthétique et ce véritable souffle entraînant instauré au récit, l’impression de voir une sorte de sous-After Hours domine, là où le film semblait se construire principalement autour de la relation entre les deux frères. A terme, Good Time devient vite redondant, voire prévisible, ne tombant jamais dans la facilité ou même la paresse, mais restant très en surface de ce qu’auraiten pu véhiculer ses personnages. On en vient également à s’interroger quant à la pertinence de l’esthétique amenée par le film, ce-dernier multipliant les couleurs néons juste pour faire joli. Le principal intérêt, pour le spectateur, se matérialise alors autour du personnage de Pattinson, véritable chien fou lancé dans sa course, détruisant tout sur son passage et enchaîné à son statut d’homme en fuite constante.


Loin d’être mauvais, le film des frères Safdie ne parvient pas à me convaincre comme Uncut Gems avait pu le faire. Des promesses faites lors de la très bonne séquence d’introduction (notamment lors de l’irruption de Connie, venant briser le champs/contre-champs classique qui illustrait une forme de discussion presque tranquille entre Nick et son psychologue), il ne restera rien, mis à part une course effrénée, maîtrisée dans son rythme, mais peu intéressante dans son contexte. On retiendra néanmoins un Robert Pattinson convainquant, et une capacité admirable à mettre en scène des marginaux perdus dans une ville beaucoup trop grande et hostile pour eux.

SwannDemerville
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le 15 janv. 2021

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