Alors que les vacances s’étirent sur leurs derniers jours, deux jumeaux aux cheveux blonds en bataille et aux genoux rocailleux explorent la forêt, le lac, autour de la villa à l’architecture moderne où ils vivent tous les deux, semblant être seul au monde jusqu’à l’arrivée de leur mère au visage couvert de bande de gaze. Sortant d’une importante opération chirurgicale apparemment esthétique, celle-ci doit avoir un repos complet et impose le silence à ses deux enfants qui lui offrent un accueil froid. Le fossé entre la mère ne parvenant à renouer avec ses enfants et les jumeaux inquiets et persuadé que leur mère a été remplacée par une parfaite étrangère ne fait que s’agrandir jusqu’à ce que l’enfer ne se déchaîne dans cette maison moderne.


Film autrichien jusqu’au bout des ongles, GOODNIGHT MOMMY a cette étrangeté dans sa mise en scène. Un aspect conte de fée qui explique l’absence des adultes, la figure de la mère transformé en espèce de monstre semblable au mythe de la belle mère, mais aussi la froideur dans la cellule familiale, et l’explosion de celle-ci, un thème qui est assez récurant dans le cinéma d’Europe de l’Est. Cette atmosphère m’a beaucoup rappelé CANINE qui jouait lui aussi sur l’absurdité poussant au crime et à la violence faisant exploser la famille. Second film de ce couple atypique formé d’un jeune réalisateur et d’une journaliste passé dans la production avant de se mettre derrière la caméra, il s’avère être plutôt une réussite tirant son épingle du jeu par sa mise en scène.


Assurément, il appartient à ce genre de film inclassable, à ce genre d’étrangeté qu’on voit d’ordinaire à l’Etrange Festival, adoptant le mode de la fable pour faire monter en puissance quelque chose de malsain et de décalé. En nous plongeant directement dans un monde surréel, absence de figure adulte dès le début, absence également de société, les deux enfants errent sans but, jouent du début à la fin de la journée, jouissant d’une liberté sans commune mesure difficilement crédible, vivant dans cette villa somptueuse au milieu d’une nature sauvage, jouant au monstre qui plus est. Nous ne sommes plus dans le monde normal. Le film nous le dit d’emblée. Nous sommes dans leur monde à eux, un peu onirique, un peu étrange.


1280x720-GnrAussi quand les deux jumeaux se convainquent que la femme qui rentre à la maison sous les bandages n’est pas leur mère en dépit de la ressemblance flagrante et de son attitude maternelle bien qu’un peu froide à leur égard, on finit par y croire. Il est vrai que la femme n’est pas la mère de l’année. Et qu’elle est étrange. En fait, elle m’a rappelé la gouvernante dans Rebecca, cette présence silencieuse et menaçante au visage sans cesse dans l’ombre, au regard implacable, immobile, vous jugeant en silence, n’élevant la voix que pour proférer des critiques. Cette mère là incarne une autorité ne parvenant à se faire obéir que par la force. Quand elle plaque l’un des jumeaux au lit on est glacé par la manière dont elle maintient l’enfant au sol, comme si elle le combattait sur un ring.


La guerre est déclarée, devant parfois absurde, comme lorsque les enfants décident de glisser des cafards dans le lit de leur mère ou encore qu’ils vide leur vivarium pour le remplir d’eau et mettre le cadavre du chat qu’ils ont tenté de sauver et poser le tout sur la table basse du salon. Une guerre nourrie de tension et d’agressivité passive qui va devenir de plus en plus violente des deux côtés jusqu’à l’explosion où le film tourne au torture porn avec des scènes qui sont à vous glacer le sang. Le final en devient d’autant plus choquant car il est jusqu’au boutiste tout en gardant l’aspect enfantin. La principale torture étant d’engluer leur mère, d’utiliser une loupe pour la brûler, n’utiliser que des jeux d’enfants mais détournés de manière à devenir des jeux sadiques.


Brillant du début à pratiquement la toute fin, le film bascule malheureusement au dernier moment avec une révélation qui évacue tout le fantastique suggérer pour offrir une solution basique et déjà vues dix milles fois. Cette fin là rend caduque toute la mise en scène qui avait distillé cette atmosphère fantastique digne d’un INNOCENCE de Lucile Hadzihalilovic. Ce qui est fort dommage car le film avait vraiment réussit à donner une atmosphère particulière et très malsaine. Il faudrait pouvoir enlever cette fin, la nier, l’annuler, l’évincer pour garder l’ambiance délétère qui nous avait tant plu au début.


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Sophia
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le 6 févr. 2015

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