Avec le film Grâce à dieu le réalisateur François Ozon n'aura jamais aussi bien porté son nom. Le film s'attaque de front au tabou qui gangrène la religion catholique avec les actes de pédophilie au sein de l'église et la chape de plomb et de silence qui trop souvent donne lieu de réponse par les institutions. Un projet courageux sans aucun doute, un sujet fort et nécessaire bien sûr , mais cela ne suffit pas toujours à faire un grand film.


Le film revient donc sur l'affaire du père Preynat et la création de l'association la parole libérée qui va permettre aux victimes d'actes pédophiles de la part du prêtre de témoigner de leurs souffrances et conduire l'affaire jusque devant la justice. Par répercutions cette association conduira l'église catholique à ses responsabilités et plus précisément le cardinal Barbarbarin qui lui même finira devant la justice....


Il y-a dans le film de François Ozon une scène qui après coup m'a semblé très importante alors que je cherchais à comprendre pourquoi le film ne m'avait pas emballé plus que de raison. Dans cette séquence le bouillant François (Bruno Ménochet) soumet à la critique de Gilles et Alexandre le texte qu'il s'apprête à livrer aux médias et au grand public, ses deux compères d'infortune lui demande alors de gommer les envolées lyrique du texte, de mettre en sourdine sa colère pour ne mettre en avant que les faits, rien que les faits et le témoignage et la parole des victimes. J'ai la sensation que pour le meilleur comme pour le pire ce sera aussi la profession de foi de François Ozon pour le film, ne s'en tenir qu'aux faits, mettre en avant la parole des victimes et totalement effacer sa mise en scène derrière ses deux axes … Un choix respectable et compréhensible d'un point de vue éthique et humain (L'affaire est toujours en cours) mais un peu plus discutable d'un point de vu strictement cinématographique. Si le sujet me touche en revanche et bien malheureusement le film me laisse relativement froid jusqu'à provoquer cette ennui poli que l'on a parfois devant un film que l'on ose pas critiquer tant on craint que les réserves sur la forme ne soit interprétés comme des réserves sur le fond.


Contrairement à beaucoup de réserves émises au fil des critiques que j'ai pu parcourir ici ou là j'ai beaucoup aimé la construction du film en trois actes à travers trois personnages différents. Chacun représente à travers une même souffrance une forme différente de combat que je trouves particulièrement bien écrite et assez maligne. Alexandre, petit bourgeois ultra catholique interprété par Melvil Poupaud est dans une démarche très procédurière, très respectueuses à base d'échanges de courriers polis, de demande de pardon et de foi en l'institution . Quand il ne trouvera plus de réponses il passera sans même le savoir le relais à François (Bruno Ménochet formidable comme toujours) un type de la classe moyenne qui a partiellement rejeté le catholicisme et qui va symboliser le combat médiatique, ce besoin de faire exploser la vérité, de la montrer aux yeux de tous quitte à le faire avec fracas et panache. De cette caisse de résonance médiatique viendra se greffer le dernier des trois personnages principaux avec Emmannuel (Swann Arlaud) un jeune homme d'un milieu plus modeste ravagé physiquement, socialement et mentalement par ce passé douloureux et qui sera celui par lequel l'affaire deviendra judiciaire et pénal par un besoin presque vital de reconstruction. A travers ses trois states sociales , ces trois combats à la fois différents et complémentaires le film montre l'effet boule de neige de la libération de la parole et surtout combien ce combat touche de manière universel la société. Le film est dans ce sens parfaitement construit et tout en maîtrise avec un casting en tout point assez remarquable.


Alors pourquoi cette note de 06 ?? Peut être est ce que j'attendais tout simplement de ce film et de la par la force de son sujet qu'il me bouscule, qu'il me révolte et surtout qu'il m'émeuve alors que pour moi il échoue presque sur les trois tableau. Même si ça m'embête un peu de le dire j'ai fini par m'ennuyer devant cette distance froide et pragmatique, cette énumération parfois plate et très procédurières des faits, cette manière d’effacer toutes aspiration cinématographique derrière la simple puissance de son sujet. Encore une fois c'est un choix il est respectable mais il m'a empêcher de ressentir le film aussi fort que l'avais espéré.


Je me souviens il y-a quelques années être ressorti laminé et les larmes aux yeux de la projection du film documentaire d'Amy Berg Délivrez nous du mal  sur un sujet similaire .Dans le cas de Grâce à Dieu, j'ai la certitude d'avoir vu un bon film, un film important mais je suis resté dans cette distance de spectateur pas insensible mais aucunement bouleversé.


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freddyK
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le 19 nov. 2019

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Freddy K

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