Au contraire du charismatique et badass Eastwood acteur, je n'ai jamais été très fan du Eastwood réalisateur, pourtant étrangement adulé pendant un moment. Je ne juge pas le bonhomme, sa vie, ses idées ou accointances, ni, d'ailleurs, celles de ses confrères, sodomie sur enfant de treize ans mis à part, mais deux de ses plus grands succès critiques m'ont paru horriblement lourds, "premier degré" et dénués de nuance. Non, pour moi Eastwood c'est l'homme au poncho et Harry Callahan.
Fort heureusement, l'acteur prend ici le pas sur le réal et les premières minutes du films introduisent son personnage, Walt Kowalski, qui n'est autre qu'un Harry actuel, vieilli et meurtri par la guerre de Corée. On retrouve avec plaisir ce visage dur aux demi-sourires carnassiers, ces mimiques indignées, ces expressions fleuries, laconiques, la rage introvertie prête à exploser, le même Callahan mais plus noueux, anachronisme réac, taiseux et dépassé, ruminant sa vie, ses pertes et maugréant l'Amérique moderne et ses nouveaux immigrants. Si elle n'évite pas certains poncifs (initiations du jeune coréen, choc culturel avec ses voisins) la première partie est très amusantes grâce aux dialogues et à des réparties très percutantes, les personnages sont attachants notamment la drolatique grand-mère coréenne.
La seconde partie, dramatique et moins à mon gout, plante les enjeux pour la véritable réussite du film, le dénouement.
Ce n'est pas sans malice qu'Eastwood nous offre cette jolie conclusion et ce bel hommage à un personnage perçu comme monolithique et immuable, conclusion qui se double d'une réflexion sur son héritage, le temps qui passe et ses inflexions sur sa psyché, sa capacité à le saisir, à s'y adapter en dépit de ce que l'on peut penser de lui et de tout jugement précipité; Un uppercut ou plutôt, pour coller à l'évolution, un étonnant pied de nez à ses contempteurs, outrés de procès d'intention, qui furent, bien souvent, ses premiers laudateurs.
Avec une certaine subtilité, une fois n'est pas coutume...

Créée

le 21 sept. 2020

Critique lue 409 fois

17 j'aime

14 commentaires

GrandTyrion

Écrit par

Critique lue 409 fois

17
14

D'autres avis sur Gran Torino

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

125 j'aime

31

Gran Torino
-Marc-
9

Rédemption

Walt Kowalsky est un retraité bougon des usines Ford, profondément marqué par les horreurs qu'il a vues et commises lors de la guerre de Corée. Après avoir enterré la femme de sa vie, il se replie...

le 30 nov. 2015

98 j'aime

22

Gran Torino
2goldfish
3

Comme Karaté Kid, mais à l'envers

Un jeune Hmong persécuté par un gang violent va apprendre auprès d'un vieil américain raciste à se comporter comme un vieil américain raciste. Ça l'aide à faire violer sa soeur. Le vieil américain...

le 29 sept. 2010

81 j'aime

31

Du même critique

Starship Troopers
GrandTyrion
9

Barbie et Ken vont à la guerre

Dans un futur proche, quatre jeunes gens s'engagent dans l'armée afin d'acquérir plus rapidement la citoyenneté fédérale et sont confrontés aux horreurs de la guerre contre des insectes géants d'un...

le 10 oct. 2021

32 j'aime

19

Le Dialogue des Carmélites
GrandTyrion
8

Liberté, égalité, fraternité.

Le CNC serait bien inspiré de rénover ce film. La médiocrité du son nous oblige à tendre l’oreille pour profiter d’une merveille de dialogues et l’image supporte mal les contrastes pourtant...

le 16 avr. 2021

21 j'aime

14

Charade
GrandTyrion
9

Breuvage divin

La BA ( disponible sur le site) dévoile la recette: 1/3 de suspense, 1/3 de comédie, 1/3 de romance, un cocktail parfaitement équilibré, sublimé par l'élégance absolue du réalisateur Stanley...

le 16 avr. 2021

20 j'aime

7