à la sortie de Gran Torino.

A l'heure où j'écris ces lignes, Gran Torino, de et avec la légende vivante Clint Eastwood, obtient, en France, tous les suffrages. Pour en avoir une idée, il n'y a qu'à se rendre sur Allociné pour constater le raz-de-public suivant : plus de 500 votants lui accordent la note maximale (et toutes sortes de louanges sur la mise en scène, l'interprétation, le sujet, l'histoire, etc.), contre une minuscule trentaine qui ne lui donne pas d'étoile ou une seule, parce que quand même "the guy is a legend".

Quant à la presse, elle est tout aussi unanime. Jusqu'à Libération, pourtant peu connu pour encenser des films populaires et se mettre dans la file de ceux qui applaudissent. Bruno Icher voit dans Gran Torino un grand écart qui réconcilie les admirateurs de Eastwood, depuis ceux qui vénèrent Harry jusqu'aux envoûtés de la Route de Madison.

Le pitch de Gran Torino, on le connaît - et je me souviens avoir pensé, à son énoncé par Eva Betan (France Inter), qu'il était un peu faible, mais que Eastwood était le genre de gars, justement, capable d'en faire quelque chose de magistral. Un vétéran de la guerre de Corée, reclu dans sa maison d'une banlieue pourrie, crache sa haine sur quiconque passe à sa portée, particulièrement sur ses voisins, des "faces de citron", une famille de Hmongs aux prises avec un gang. Il se prend finalement de sympathie pour le jeune Hmong (ici, le thème de la transmission), et les Hmongs deviennent en quelque sorte sa famille (parce que la sienne de famille, elle fait plutôt dans la beaufitude, à lui offrir des téléphones à touches pour handicapé, et à vouloir le coller en maison de retraite, histoire de récupérer sa Gran Torino 72 et vendre sa baraque). Au début, le vieux bougre, qui passe son temps à boire de la bière sur sa véranda en crachant comme un Chinois (ben oui), n'entend que protéger sa pelouse de tous ces "nems". Et puis quand même, ils sont bien sympas, les Niaks, ils font de la bonne bouffe et ils ont des valeurs, eux. Pas comme son fils qui roule en Toyota quand le père a travaillé toute sa vie chez Ford (ici, un peu de patriotisme économique, c'est pas méchant).

Il se trouve que notre grincheux crache du sang, ce qui veut dire qu'il a quelque chose de grave. Un peu comme ce mal à l'âme qu'il cache mal et que le chamane hmong débusque en douze secondes (ils sont forts, ces zaziats). Voui, le vieux a fait la guerre, au service de sa patrie, voui, il en a bavé chez les chine-chongs. Mais tout cela cache de l'inavouable (ouhouhou, les coutures deviennent vraiment grosses).

Je vous en passe et des meilleurs, je ne vous parlerai même pas du quart d'heure "humour", de celui "justicier cathartique", ni du prêtre que quand-même-il-est-pas-si-bête. Quant au final, alors là, c'est l'artillerie lourde. Les coutures blanches sur commande hollywoodienne. Le méchant est finalement un bon. On en est sûr. Et un héros de surcroit. Mais quand même, c'est triste parce que le monde il est ce qu'il est, mon bon monsieur, et un gars comme celui-là dans un environnement comme celui-ci, forcément... Vous prêterez attention aux flics, sur la fin: un Niak, un Black... Histoire d'assurer que c'est la multiculture qui fait justice. Voui. Loin, bien loin de Minuit dans le jardin du bien et du mal, ou de Mystic River.
Missdynamite
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le 18 juin 2010

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