There is no terrible way to win. There is only winning.

Grand Prix n’est pas un film sur la course, c’est un film autour de la course ! Et John Frankenheimer pousse le vice plus loin, Grand Prix n’est pas un film rapide : c’est une longue fresque étalée sur sept courses automobiles, un film choral qui retrace les hauts et les bas de quatre pilotes, et prend le temps de développer une intrigue complète pour chacun d’eux. Grand Prix ressemble à une longue course plutôt paisible, mais parfois traversée d’épisodes fulgurants, soutenus par l'excellente musique de Maurice Jarre.

L’intrigue centrale développe les rivalités, les atteintes à l’honneur, et les peines de cœur qui relient quatre pilotes concourant pour le Grand Prix 1966 sur Formule 1. Yves Montand domine largement ce scénario, il accapare à lui seul la moitié du temps à l’écran, en vieux pilote français approchant de la fin de sa carrière. James Garner, le coureur implacable, et Brian Bedford, pilote amoindri mais déterminé à revenir, sont très convaincants, tous deux unis et séparés par la même femme. John Frankenheimer filme ici une fresque humaine très approfondie, qui prend le temps d’aller jusque dans l’intimité de chaque pilote tour à tour, et montre les hommes en-dehors de la piste de course.

Cette fresque est entrecoupée par les grands prix, sept au total, qui fracassent le rythme lent de la fresque, et offrent des séquences intenses comme des coups de poing. La caméra embarquée durant les courses permet un réalisme époustouflant (et totalement inédit à l’époque !). Frankenheimer prend le spectateur par les tripes et le propulse à la place d’un pilote, aussi bien dans les rues tortueuses de Monaco, sous la pluie battante de Spa, ou encore dans l’enfer de Monza. Abasourdissantes en 1966, les séquences de course n’ont rien perdu de leur puissance aujourd’hui, pour la bonne raison qu’elles ont été tournées en conditions réelles, au cœur des grands prix : on ne fera probablement jamais plus convaincant en matière de course automobile dans le cinéma.

Le seul regret, c’est ce grand écart entre fresque contemplative d’une part, courses trépidantes de l’autre. Non seulement ce choix du réalisateur imprime un rythme un peu inégal au film, mais surtout, le scénario semble finalement assez indépendant de la course automobile. Grand Prix aurait pu s’intéresser à des jockeys ou des coureurs cyclistes, le scénario et la plupart des répliques auraient été inchangées, il aurait suffi de remplacer les séquences intermédiaires de course.

Bilan, Grand Prix n’est donc pas un film de course, mais bien un film qui emprunte la course comme toile de fond. Steve McQueen et Lee H. Katzin l’ont bien compris, ils prennent cinq ans plus tard le contrepied total de Grand Prix, et tournent « Le Mans » (1971) : un film dense centré uniquement sur la course, comme si on avait purgé Grand Prix de toutes son intrigue hors-course. Voir ma critique sur Le Mans : http://www.senscritique.com/film/Le_Mans/critique/23516204

Malgré toutes ses qualités, notamment son montage inventif et ses excellents acteurs, Grand Prix n’est pas inoubliable. On s’en souviendra pour deux choses : la prouesse technique des caméras embarquées, et l’irrésistible accent français d’Yves Montand lorsqu’il parle english !

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le 25 juin 2013

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Wakapou

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