Voilà donc le fameux Grave, véritable bête de festival et détenteur pour le coup du combo Grand prix et prix de la Critique du Festival du film Fantastique de Gérardmer 2017. Belle performance en soi. Mais s’il possède d’indéniables qualités, ainsi qu’une forte identité Française, il souffre malheureusement de tares tout aussi marquées dans son scénario, qui pour le coup ont été suffisamment rédhibitoires pour me sortir du film.



Il souffre sans doutes des défauts d’un premier essai, et peut donc largement être considéré comme plutôt encourageant.


J’ai bien aimé le traitement de l’image, très viscéral avec le combo grand-angle ou focale très courte cumulé avec des dialogues souvent minimalistes, voir absents dans certains cas.
L’impression dégagée donne un sentiment de malaise nerveux qui va bien dans la tonalité du film.
J’aime enfin l’axe de traitement du malaise de l’adolescence, un sujet pourtant éculé; mais traité ici sous l’angle le plus charnel et le plus cruel qui soit.
Il reste enfin que le film est aussi porté par une solide interprétation.
L’angle pris dans la narration comme dans la direction artistique est de porter à l’écran, tout en l'assumant, une vision très proche de la représentation de l’adolescence en tant que déchirement, puis de renaissance.
Les scènes trash se succèdent donc dans tous les sens, pour déstabiliser mais surtout pour faire s’interroger le spectateur sur l’évolution du personnage de Justine. Si on est loin du torture porn d’un Saw ou d’un Hostel, (au hasard) Julia Ducournau va quand même loin dans les scènes crues, parfois même un peu gratuitement à mon goût: plusieurs fêtes qui se transforment rapidement en orgies, sexe homo / hétéro assumées, vivisections en gros plan, ou plus logiquement, scènes de cannibalismes bien représentées, etc. Ce côté extrême ne me dérange pas forcément, du moment qu’il y a un fil conducteur. Et de ce côté là, c’est pas gagné.
On découvre en effet une jeune femme en devenir s’interroger sur son corps et sa sexualité, tout en affrontant sa peur de l’autre.
Une peur de l’autre qui peut par la même occasion être symbolisée par le cannibalisme de Justine, mais la métaphore reste trop grossière à mon goût et surtout bien trop mal mise en avant pour demeurer crédible en tant que représentation.


On apprendra en fait et de fil en aiguille que cette tare est transmise de mère en fille, sans pour autant que cela ne demeure un apprentissage, ni un rite d’initiation ou quelque chose dans ce goût là. Or le cannibalisme est un comportement deviant, pas une maladie transmissible au premier sens du terme. Et cette approche de maladie est d’ailleurs mise au devant de la scène, avec notamment le comportement de plus en plus frénétiques de Justine, les rougeurs puis la desquamation de grandes parties de la peau de Justine; pour mieux terminer par un véritable syndrome de manque lorsque la jeune femme ne se nourrit pas de chair humaine.
J’ai donc espéré une transformation physique de Justine, qui aurait pu matérialiser la métaphore de la renaissance et prendre n’importe quel chemin: Vampirisme, Zombification, infection lambda, peu importe.
Mais on est resté bloqué au départ, et empêtré qui plus est par le comportement irrationnel de la soeur de Justine, Alexia; qui passe sont temps à la pousser vers le cannibalisme pour mieux la pousser à la faute l’instant d’après, au lieu de la protéger et de gérer son affliction. Voir au contraire, à la mettre au banc purement et simplement.
Il y a vraiment trop d’errances dans la trame, et ça a fini par me sortir complètement de la narration.
Je retiens également la grande absence de la mère, qui est dépeinte en véritable prédatrice en fin de film, mais qui ne défend sa progéniture à aucun moment. Le manque de développement du personnage me laisse vraiment perplexe, car j’attendais là aussi à minima ou un phénomène de rejet violent, ce qui aurait cadré avec le côté très cru et excessif du film ou alors une défense bec et ongles des deux ados. Mais non.
Pour rappel, le film fait dans la surenchère quasi-permanente, cela n’aurait donc rien eu de choquant.
Dernier point qui a été plutôt négatif dans mon cas, j’attendais un huis-clos beaucoup mieux géré. Ici le cadre de l’école vétérinaire (oui) est stressant pour les personnages avec le bizutage de début de première année, mais pas vraiment pour le spectateur, car hormis l’effet trash des images, je n’ai jamais été dérangé par la tension d’une scène, ni par la dégradation de l’ambiance. Ça m’a laissé de marbre.
Pourtant l’école donnait un bon point de départ pour faire monter l’angoisse…


Dans l’ensemble, le film m’a donc paru en totale contradiction avec le prix décerné, et pour le coup, j’ai vraiment l’impression de faire figure de marginal avec cet avis; mais j’assume.
Même si avec Julia Ducournau j’aime croire que le cinéma de Genre Français a ENFIN de beaux jours devant lui, franchement, il n’y a pas avec Grave de quoi crier au miracle.

amjj88
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le 30 janv. 2017

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