J'ai horreur des films d'horreur. Je les déteste. Ils me filent des boutons jusque dans mes songes. Ils me torturent et hantent mon âme pendant des durées indéterminées. Puis ils m'abandonnent comme une vieille charogne dans le grenier de mes angoisses. Et pourtant, après des semaines de préparation mentale et surtout de forcing de mes potes, je suis allée voir Grave au cinéma. Et j'ai absolument adoré.
Bien sûr, les amateurs du genre me crieront dans les oreilles que Grave n'est pas vraiment un film d'horreur comparé à Saw VI et autres charcuteries (je n'assume pas ce jeu de mot). Mais vous savez quoi? Je m'en fous que ce soit pas un "vrai" film d'horreur, parce que je suis tout d'abord fière de moi d'avoir osé affronter ce film qualifié jusqu'à être gavé de "choc" et "les gens vomissent" et "les gens s'évanouissent" et "la polémique à Cannes" blablabla. Ma curiosité fut immense et immensément assouvie.
Voilà, bravo moi.
Ce qui s'est passé sur cet écran fut probablement l'expérience de cinéma la plus intense de ma vie. Julia Ducournau signe un premier long-métrage où chaque plan, chaque seconde, chaque regard a son importance. Et merde, qu'est-ce qu'un peu de pertinence fait du bien au cinéma de français. Rien que les deux plans où seul le titre du film trône à l'écran (en ouverture et en fermeture) m'ont foutu les frissons. C'est dire.
Ducournau invente des rythmes, des mélanges de couleur ("Vous ne sortirez d'ici que quand vous serez tout verts"), des réactions, un humour noirissime et jouissif, un appétit dévorant, des relations organiques et chaque détail a sa place.
Je n'ai même pas eu peur. Je n'ai même pas ressenti de malaise face à certaines scènes franchement dégueu (la seule scène qui m'a dérangée fut le petit plan où on voit deux personnes se lécher le globe oculaire DEGUEU DEGUEU). Moi, la grande fragile cinématographique qui se cache les yeux quand quelqu'un est filmé en train de se couper l'extrémité de l'épiderme avec du papier. Je crois que, par la force des choses, cette ambiance me parlait. Comme si j'étais une bizu. Comme si, en étant enfermée dans cette salle de cinéma avec quelques regards bienveillants et attentifs de mes amis virés vers moi, je n'avais pas d'autres choix que d'entrer dans la danse.
Et comment écrire un papier sur Grave sans aborder la relation entre les deux soeurs? Animales, sang-gêne, elles se comprennent, peuvent se dévorer l'une l'autre mais pas se tuer. Comme une seule et même entité. Un ying et un yang. Le feu et la glace. Et encore plein d'oxymores. Bon, j'ai vraiment eu du mal avec l'actrice qui joue Alexia mais elle avait un beau corps et des yeux expressifs donc elle est pardonnée.
Du sang animal est jeté sur la promo de bizus. Plan incroyable. Un chien (ou un mouton? je sais plus) est ouvert. J'étais fascinée. Justine dévore un doigt et une lèvre et va savoir quoi d'autre. J'étais à 100% avec elle, à l'observer, à m'interroger, à me demander jusqu'où elle irait.
Serais-je guérie de ma faiblesse pour le sang et la chair?
J'ai ressenti beaucoup de tendresse et d'empathie pour l'héroïne. Surtout pendant cette scène de sexe où elle souffrait (pour des raisons plutôt inédites) et je n'avais qu'une envie : de lui dire que tout irait bien et peut-être même lui donner un bout de mon bras pour la rassurer. (oui je sais merci c'est dégueu mais j'ai eu de la peine pour elle) (j'ai jamais autant écrit le mot "dégueu" dans une critique).
Garance Marillier est une jeune actrice incroyable et bosseuse et ça me plaît de voir quelqu'un travailler un rôle comme elle l'a fait. Tout passe par le corps. Féline, réfléchie, pertinente, sage, dangereuse. Elle ose entrer dans le tempo Ducournau et on sent la confiance extrême entre l'actrice et la réalisatrice. Bien joué.
Bon. Comme à mon habitude. C'était désordonné. C'était flou.
Mais j'ai vu Grave et c'était de la bombe atomique. Vous avez compris le message.
Foncez parce qu'il faut rendre justice aux (très très) très bons films français qui se font rares et au renouveau du cinéma de genre. Pari relevé pour Julia Ducournau. Encore une femme qui a des choses à dire et qui les hurle et fait des échos.
Merci de m'avoir aidé à dompter mes peurs pendant 1h39. En ce qui me concerne, il y a eu un avant et un après.
PS: mention spéciale à la bande son très efficace. j'ai eu envie de manger une bonne entrecôte après le visionnage.