Une dizaine de récompenses à des festivals internationaux, y compris Cannes, et pourtant c'est à cause de deux personnes qui s'évanouissent à Toronto qu'on entend parler de Grave. Très vite une rumeur monte, sur un petit film d'horreur français qui serait absolument horrible (dans le bon sens du terme).


J'ai du mal avec les films d'horreurs. En tout cas les films d'horreurs récents. La photographie sombre, les jeux d'ombres et de lumières, les esprits, zombies, démons... Cette attention beaucoup trop accordée à la forme par rapport au fond, tout ça m'empêche de rentrer dans le film.
Globalement je les distingue en deux catégories : d'un côté les films d'épouvantes, avec son lot d'esprits, de pièces sombres et de jumpscares putassiers sensés nous donner des ersatz d'émotions. De l'autre, films gores, avec avalanche de sang et autres trucs dégeus, qui oublient trop souvent qu'un film est avant tout une histoire, et non une succession de scènes.


Néanmoins, voyant les bonnes critiques tomber, je me suis décidé à aller le voir. Rien que pour saluer le courage de la réalisatrice. Imaginez un peu la galère :


Film d'horreur en France
+ femme réalisatrice
+ c'est son premier long-métrage
+ femme pour personnage principal
+ c'est son premier long métrage
+ tabou du cannibalisme
= parcours du combattant pour trouver de la thune.


C'est donc avec appréhension que je me suis assis dans la salle de cinéma, plutôt bien remplie, craignant de devoir supporter 1h30 de scènes gores, ou 1h30 de sursauts uniquement dus au mouvements de caméras doublées d'effets sonores à s'en percer les tympans.


Et quel fut mon étonnement en sortant de la salle.


Julia Decournau nous prouve qu'elle a révisé son Shining et autres vrais bons films d'horreurs, en livrant une histoire inédite, personnelle, réaliste. Pendant 1h30, pas de surenchère de gore, pas de jumpscare avec créatures surgissant brusquement à l'écran, seulement la descente aux enfers du personnage principal.


Dès les premières scènes, la réalisatrice donne le ton. D'abord par l'accident de voiture, nous annonçant clairement un danger présent, puis par la première scène de bizutage, parfaitement maitrisée, faisant transparaitre une violence sous des rituels qui devraient être bons enfants.


Une fois l'ambiance posée, on peut ensuite apprécier. Bien que catalogué "film d'horreur", on est surtout ici face à un film de genres. "Genres" au pluriel, puisqu'on peut y voir de l'horreur, du social, du thriller, de la romance, du teen movie... Les influences sont parfaitement dosées, toutes sont ancrées dans la situation. Même quand on rit, on ressent de l'angoisse, de l'appréhension, parce qu'on sait que quelque chose va arriver derrière ce rire.


En plus d'être un bon film, Grave est aussi un beau film. Le cadre et les couleurs subliment le propos. Que ce soit des plans extérieurs très larges, filmés de loin, ou des intérieurs à la lumière tantôt minimale (scène ou les bizuts sont à quatre pattes), tantôt omniprésente (néons rouges quand Justine observe la piste de danse).


Impossible d'écrire une critique sans parler de Garance Marillier, qui a le rôle principal. La qualité d'un film d'horreur tient souvent dans l'interprétation des personnages (Shining, Jack Nicholson, perfection, blabla, toi même tu connais les bails), et ce n'est pas pour rien que Grave est un excellent film. Garance incarne aussi bien la douceur et l'innocence que la bestialité et la sexualité, et son évolution est incroyable. Si on ne devait retenir qu'une seule chose de ce film, c'est elle.


Et pour finir, parlons un peu musique. Le film enchaine morceaux de pop/rock, rap français, variété italienne, et des thèmes spécialement créés pour le film par Jim Williams, qui ne sont pas sans rappeler le grand Ennio Morricone, particulièrement avec la scène du doigt où la musique ressemble étrangement à "Ecstasy of Gold". Musique évoquant le désir, la frénésie, voir la folie.


Spielberg, Haneke, Shyamalan et Cronenberg ont déjà suscité de l’intérêt pour ce film, et aujourd'hui même, Edgar Wright (Shaun Of The Dead, Hot Fuzz) tweetait à propos du film : "Run, don't walk to this excellent, intense debut by Julia Ducournau. For strong stomachs only, but what a movie. Go see Raw."


Bref, si vous n'aimez pas les films d'horreurs, ce film est fait pour vous. Si vous aimez les films d'horreurs, ce film est fait pour vous. Qui que vous soyez, ce film est fait pour vous.


Allez voir ce film, bordel de merde.

LeGonze
8
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Créée

le 19 mars 2017

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LeGonze

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