Ah ! La polémique de ce début d’année ! Un film d’horreur scandaleux, qui fait vomir ou s’évanouir les gens dans la salle… Ah ! Que j’aime ça, le parfum du scandale, de l’interdit, de l’inédit. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce vraiment le film qu’on m’a vendu sur les plateaux tv et dans la presse ? Ou juste un coup de pub ?


Justine est végétarienne, comme tous les membres de sa famille. Elle intègre à 16ans l’école vétérinaire où sa sœur à déjà fait sa première année, et à peine arrivée, subie les premiers bizutages, humiliation, épreuves diverses, douche au sang, et bien sur, consommation de viande animale. Croyant trouver refuge et appui avec sa sœur, Justine sera dépourvue quand elle se rendra compte que celle-ci n’est plus végétarienne, mais en plus la rejette. C’est auprès d’Adrien, son colocataire homosexuel, qu’elle trouvera d’abord aide et refuge, mais aussi qu’elle découvrira ses premiers émois amoureux. Ce conflit avec Alexia sa sœur, se poursuivra tout au long du film l’amenant à des extrêmes auquel elle n’avait pas songé.


Gave est un beau film. Julia Ducournau signe un premier film abouti, très esthétique et travaillé, qui montre bien que le film de genre en France et en Belgique à sa pâte, et qu’il est une valeur sûre. Elle signe des plans au cadrage parfait, multipliant les symétries ou au contraire des désaxés symboliques, son découpage est soigné. La lumière aussi est très belle, jouant sur les contrastes les couleurs symboliques, ce film n’est pas fait au hasard. Le travail sur le son également est à signaler, car elle n’hésite pas à utiliser des subterfuges sonores pour nous faire coller au plus près de son ambiance.


Mais le point d’orgue c’est le scénario. Attention je vais parler du sujet principal du film, celui qui choque dérange, fait le buzz surtout : le cannibalisme.
Julia Ducournau à choqué une partie du publie en affirmant que Justine, son héroïne était un personnage auquel tout le monde pouvait s’identifier. Et bien oui. Si on prend le film au premier degré, oui il raconte bien une histoire de jeune fille qui se découvre cannibale. Mais malheureusement ce n’est pas la seule lecture qu’il faut y voir, à vrai dire, le cannibalisme est pour moi bien anecdotique dans cette histoire, le film parle avent tout de pression, d’où son titre Grave, « comme la gravité, ce qui te tire vers le bas, ce qui te plaque au sol et t’empêche de bouger » à déclaré Ducournau dans Quotidien, et oui, Justine commence le film dans un état transitoire, adolescente elle subie la pression d’une mère trop autoritaire, puis celle de ses études, du changement de mode de vie, des enjeux des bizutages, très bon exemple de la pression sociale qui peu s’exercer sur chacun d’entre nous, et bien sûr, celle de la rivalité avec sa sœur. En permanence le film va nous montrer la tension, la relation ambigüe qu’il peut y avoir entre deux sœurs, de l amour inconditionnel, des rivalités, de la jalousie, de la compétition. Jusque dans les moindres détails tout entre Justine et Alexia est compétition, comparaison. Jusque dans leur amitié/relation de séduction avec Adrien, et bien sûr, (SPOILER ALERTE !!!!) dans leur cannibalisme, leur façon de chasser, de se nourrir, de vivre cette partie d’elles.
Ce que j’aime particulièrement c’est que ce film n’est ni voyeuriste, ni gore pour le gore, les passages de cannibalisme sont rare en fait, presque toujours hors chan, ou coupés au montage, mais l’idée est là, vibrante, vivant, elle s’insinue en Justine comme la réponse a toutes ces agressions, comme la réponse ultime à un état, une animalité retrouvée.


Le jeu de Garance Marillier n’est pas toujours très bon dans la diction, le ton qu’elle donne à Justine, mais en même temps colle assez bien avec le coté ado paumée, par contre elle est époustouflante dans son interprétation corporelle, ses mouvements, expressions faciale, sont magnifiques, elle arrive à retourner a une gestuelle presque dansante, bestiale, fascinante.


Un passage reste cependant pour moi assez obscure, c’est le caméo surprise de Bouli Lanners, qui déclame un long monologue très embarrassant pour Adrien et Justine sur l’hérédité et la génétique. Est-ce un désir de Ducourneau de choque ou d’explique les actes de ses protagonistes, est ce qu’elle voudrait dire par là que nos actes, quoi qu’on décide, quelque soit l’acquis qu’on a, seront irrémédiablement dominés par notre inné, ce que nos parents nous ont transmis ? C’est ce qui semble ressortir quand on voit la fin et son twist final (SPOILER DE LA MORT QUI TUE !!!) Quand son père révèle que sa mère est cannibale et le ronge petit à petit depuis 20 ans. Je trouve cela assez étrange pour ma part, le film étant plutôt progressiste, rebelle et justement très transgressif, conclure par une telle morale fataliste me semble presque annuler tout ce que dit le film avant.


SPOILER PUR ET DUR : Finalement les scènes qui m’ont le plus choquées sont, et vous allez peut être rire, les scènes de vomissement. Oui, je suis émétophobe, et particulièrement la scène surréaliste où Justine vomit pendant de longues minutes de grosses gerbes de cheveux, non je n’ai pas pu. Surtout que dans le contexte cette scène est volontairement surréaliste, la réalisatrice voulant faire là un hommage au film Ring, je trouve ça dommage, déjà par ce que ce n’est pas très ragoutant, mais surtout par ce que cela casse l’ambiance réaliste, le film tente de rester au plus près du réel, et avec cette scène, totalement dispensable, et qui n’est même pas un des rêves de Justine, on casse un peut le lien avec le réel. Cette scène dommageable est cependant rachetée par un des plus beaux de fusils de Tchekhov que j’ai pu voir depuis longtemps, extrêmement bien maitriser et qui m’a totalement eu. Tout le film alterne d’ailleurs entre des trouvailles brillantes et quelques maladresses flagrantes, tel l’insert à peine insistant sur la serrure, et l’erreur de raccord sur la lèvre du père.


Grave reste un film instinctif qui nous questionne sur nos propres réactions, nos propres interdits, notre propre soif de domination des autres, de dépassement soit et de contrôle aussi. C’est un film émouvant, drôle, angoissant, sur la famille et surtout la société actuelle, notre place et ce qu’on en fait. Son histoire et sa réalisation feront date, même si on est loin de la perfection annoncé, notamment dû au fait d’être un premier film, et que pas tout le monde est Orson Welles, mais Julia Ducournau signe un film intelligent, beau qu’il faut aller voir, pour que le cinéma français continue à produire des films de qualité, et arrête peut être un jour de nous inondé de ces fausses comédies soit disant légères qui, sous couvert de faire rire, nous abreuvent de discours nauséabonds, de qualité de réalisation, écriture et interprétation médiocre, et qui sont un véritable danger pour le cinéma français, la création originale et surtout le public. Mais je m’égare dan un tout autre discours.
Allez voir Grave !

FannyGiordano
9
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le 26 mars 2017

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FannyGiordano

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