Sensation française de divers festivals en 2016 et 2017, dont Cannes, Grave a essayé de redynamiser le genre moribond de l'horreur à la française, et qui plus est réalisé par une femme pour qui c'est le premier film, Julia Ducournau.
Et il faut dire que, ne sachant pas ce que j'allais voir, le film est très fort, et soutenue par une formidable révélation, à savoir Garance Marillier, qui incarne Justine.
Cette dernière rentre en école vétérinaire, soutenue par ses parents eux aussi dans le métier, et sa grande soeur qui y fait aussi ses études, et elle va découvrir un autre monde. Un univers fait de bizutages, d'humiliations, de rangs sociaux, mais aussi d'aller contre ses principes, dont celui de manger de la viande, car elle est végétarienne. Poussée par sa soeur, qui est aussi passée par là, elle va être forcée de manger un morceau de lapin cru. Ce qui va en quelque sorte révéler sa seconde nature.
Bien que ce soit un premier film, on sent que le sujet n'a pas l'air inconnu pour la réalisatrice ; la confrontation entre un monde qui a ses codes, ses humiliations, et ce changement d'état de Justine qui pourrait passer pour une métaphore du passage de l'adolescence à l'âge adulte.
Cette école est montrée comme quelque chose de sinistre, où le temps est sans arrêt maussade, et où le bizutage semble être un sport national, donnant lieu à toutes sortes de débauches assez folles, jusqu'à une sorte de soirée sauvage dans l'enceinte de l'établissement où tout y est permis.
Le regard du film est porté par cette Justine, que joue formidablement Garance Marillier (premier rôle !). Au départ, elle est montrée comme quelqu'un de frêle, avec sa petite voix, mais peu à peu, l'assurance qu'elle va acquérir, en quelque sorte, va la transformer peu à peu, ce qui la rend au bout du compte très angoissante.
Si la violence est morale, elle est bien entendu physique, où le sang coule à flots, mais assez tardivement en fin de compte. Après, l'interdiction aux moins de 16 ans est justifiée, car il y a au moins une scène qui m'a mis très mal à l'aise, nota bene le titre de ma critique, où, mariée à la musique qu'on entend à ce moment-là, rend le tout vraiment flippant, et signe d'un basculement chez le personnage de Justine.
Je ne veux pas trop en révéler, car j'ai été cueilli par la force du sujet, mais aussi par l'humour, volontaire ou non, qu'on peut voir, mais qui montre que tout le monde, y compris les gens entourant l'école, n'a pas l'air très sain.
Outre Garance Marillier, il y a aussi Rabah Nait Oufella (que j'avais déjà vu dans Patients), qui joue son colocataire, Ella Rumpf et de petites apparitions de Bouli Lanners, Joanna Preiss, et Laurent Lucas, dont la présence peut être un clin d’œil à un film au sujet similaire, Dans la peau, que réalisait Marina De Van.
Outre que je trouve tout ça très bien filmé, il y a quelque d'autre que je trouve formidable, qui est tout ce qui concerne le son. Pas seulement la musique de Jim Williams, mais aussi les ambiances, l'environnement, comme cette scène très forte, où un klaxon va être le démarrage d'une musique, mais de manière totalement invisible.
Après, et la réalisatrice ne s'en cache pas, les références sont là ; on pense à Trouble every day, Dans ma peau, cité plus tôt, mais aussi à David Cronenberg pour la vision presque chirurgicale des corps, et, ce qui est souterrain, à David Robert Mitchell, où la vision de cette école, surtout la nuit, rappelle It follows ou The Myth of the American Sleepover.
C'est suffisamment rare pour être signalé, mais le film de genre français accouche d'une très belle réussite. Julia Ducournau et Garance Marillier ont assurément du talent et vont être à suivre.
J'oserais même parler de miracle, avec du lapin autour.