Ou "Murphy's law", j'hésite encore.
Lors des premiers trailers de Gravity j'étais juste intrigué mais modérément. Des films de SF centrés sur l'espace lui-même j'en vu quelques-uns, et les claques de 2001 : L'odyssée de l'espace, Sunshine, Moon & Love étaient déjà passées par là. J'espérais un film de cette trempe mais je n'osais imaginer à quel point sa qualité pourrait rivaliser avec ces géants du genre. Puis tombèrent les premiers retours, unanimement positifs; je restais méfiant suite à l'arrière goût laissé par le très surestimé Inception qui avait également été encensé de partout et m'avait laissé un arrière-goût amer de gros potentiel sous-exploité (dans un film sur les rêves je veux du rêve moi, pas un gros épisode de mission impossible). Mais revenons à nos moutons électriques. Une de ces critiques marqua mon attention, celle de James Cameron, le qualifiant de "meilleur film sur l'espace jamais réalisé". Alors non je n’idolâtre plus ce réalisateur autant qu'à ses débuts seulement quand le réalisateur d'Aliens et Avatar (excusez du peu) fait un tel compliment et dit s'être pris une claque visuelle (on parle toujours du mec à qui l'ont doit Abyss et les deux premiers Terminator hein), ben ça force le respect. Qu'on aime ou non ses films, que ce soit ou non des remakes de Pocahantas en HD, ils n'en demeurent pas moins des claques visuelles assénées en zéro G, du coup quand ça nous décolle la rétine bah on a bien du mal à la récupérer. Surtout que la dernière fois que j'avais entendu Cameron parler de la 3D employée par un autre réalisateur, c'était pour cracher dessus. Du coup là je me demandais ce qui avait bien pu lui faire réévaluer son propre travail. C'est alors qu'un autre détail attira mon attention : "Alfonso Cuarón" ça me dit très vaguement quelque chose mais quoi ...
"Les Fils de l'homme"
Oh. Pu.Tain. Bon donc déjà on pouvait s'attendre à de sublimes plans-séquences interminables et des personnages vraiment attachants. Et ça n'a pas loupé ! Cette intro putain ! Mais cette intro ! Ce réalisateur gère les mouvements de caméra avec une aisance rare et une maîtrise absolue. Il profite ici de l'absence de gravité pour nous faire des plans d'une longueur inimaginable, à des années lumières de la mode du cinéma épileptique, tout en alternant les angles de vue splendides et improbables sans changer de plan. On passe au dessus des acteurs, en dessous, à droite, à gauche, à l'intérieur et ce parfois dans un même plan. Je reste sidéré par ce fameux plan qui nous fait passer d'un plan large à un point de vue à la première personne (à l'intérieur du casque sinon c'est pas drôle) sans la moindre coupure ou effet de transition. Les panoramas de la terre ne sont pas en reste avec des images d'une beauté à couper le souffle. Entre les agglomérations éclairées de nuit, les étendues naturelles, les aurores boréales (ce bref passage m'a tellement décroché la mâchoire que j'ai bien cru devoir faire des points de suture), le tout vu de l'espace, il y a de quoi ravir nos rétines à chaque instant. Les passages plus focalisés sur les vaisseaux/stations spatiales ne sont pas moins réussis avec un jeu sur la gravité encore plus prononcé de par la présence de repères pour le spectateur; vu qu'il y a cette fois un sol et un plafond c'est d'autant plus déroutant de voir le personnage évoluer littéralement comme un poisson dans l'eau, surtout quand la caméra continue de faire ces putains de plans-séquences de génies.
Concernant les personnages d'ailleurs, une fois n'est pas coutume avec Alfonso Cuarón, on se sens au cœur du film, à leurs côté : lorsqu'ils angoissent, on angoisse, lorsqu'ils s’apaisent, on se détend avec eux, et lorsqu'ils pressentent un danger leur arriver en pleine gueule, on ne peut s'empêcher de penser "mais maaaaaaagne, ça va nous arriver dessus d'un instant à l'autre bordel !". Le réalisateur gère ici le suspense avec une virtuosité relativement exceptionnelle pour des scènes particulièrement anxiogènes où l'on suffoque à force d'avoir le souffle coupé. Les acteurs ne sont d'ailleurs pas étrangers à ce phénomène puisqu'ils communiquent parfaitement les sentiments de leur personnages. Entre Sandra Bullock, rookie de l'espace qui n'est là que pour ses compétences techniques malgré son inexpérience d'astronaute, et George Clooney en vétéran calme et posé aux réflexes mécaniques, le duo d'acteur nous offre une performance en parfait accord avec la qualité resplendissante du film. On a d'un côté une nouvelle qui garde encore des réflexes terrestres qui manque de lui coûter la vie à plusieurs reprises et de l'autre un homme à l'assurance déconcertante qui l'apaise en même temps que le spectateur par sa voix rassurante, ce qui opère ainsi un yoyo émotionnel qui nous fait passer de la crise d'angoisse ultra-anxiogène à une détente digne de moine tibétain contemplant les cieux. La bande-son reprend d'ailleurs ce principe avec une alternance d'éléments sonores assourdissants et de silence total (parce que oui, dans l'espace, personne ne vous entends crier, du moins pas en dehors du canal radio). Pour une fois qu'un film dans l'espace ne nous assène pas des bruits d'explosions et se cantonne aux respirations ou bruits de frottements uniquement audibles au sein de la combinaison, bah ça fait plaisir de ne pas être pris pour un con ! D'autant plus qu'une explosion silencieuse a quelque chose de terriblement plus effrayant sans le vacarme qui nous préviens de ce qui arrive.
Donc ce film fut pour moi une incroyable expérience visuelle (meilleure 3D que j'ai pu voir depuis Avatar, et même sans cela les plans sont d'une beauté incommensurable), sonore (que ce soit pour les musiques, les bruitages ou au contraire la parfaite maîtrise du silence) et surtout émotionnelle (Certains passages anxiogènes m'ont d'avantage pris aux tripes que bon nombre de films d'horreur, et j'en ai vu un paquet pourtant). Alors par pitié ne cédez pas au syndrome "c'est trop populaire donc je ne vais pas le voir", ce serait stupide de passer à côté d'une telle expérience qui ne pourra absolument pas être vécue avec autant d'intensité sur un petit écran. Foncez au cinéma et prévoyez du sopalin pour essuyer la bave qui écumera vos lèvres.