Je crois que j'étais venu chercher autre chose : un trip métaphysique en orbite autour de la lune type "2001 l'odyssée", l'infini espace-temps au noir halluciné, le vide intersidéral comme métaphore de l'absurdité et du vide de l'existence. Mais non Alphonse, ton propos est trouble, opaque même, comme l'esprit de Bullock après avoir aspiré du CO2. Qu'avais-tu à dire? Rien peut-être? Non, il y a un peu de profondeur mais hélas cela reste un peu trop en surface terrestre, ça ne sort pas de la superficie (alité) du globe, et puis on est clairement dans la redite : un astronaute en mode foetus... le clin d'oeil est trop facile (trop tentant aussi?), pompeux. La référence trop lourde, insoutenable pression cinématographique pour Alfonso.

Ok pour la technique, le spectacle, le beau, le suspense, l'angoisse, la claustrophobie, on plane à 100.000.

Le silence du vide, l'absence de son n'aurait pas voulu de musique, qui, bien qu'elle soit belle, fait partir le film dans le mélo, mais on reste à des années lumières d'un vaisseau spatial en ballet sur le Beau Danube Bleu.

Et puis la mort... l'omniprésence de la mort. Ah là làààà, il y avait tellement mieux à faire sur la mort... que Cuaron balaie d'un revers blockbus-terrien, putain.

Le vide de l'existence dans le noir de l'espace. L'absence de sol, l'absence de références, plus de codes, plus de signes, plus de marques (autres que les astres), plus rien, le vide le plus happant qui soit, le plus oppressant qui soit par son immensité, la pire des mort, celle de l'anonymat le plus absolu dans l'immensité la plus profonde.
Cuaron a presque réussi à faire de l'espace un prédateur bouffant l'homme, l'attaquant d'une pluie de déchets comme si celle-ci était un venin dinosaurien.

J'aurai voulu que Sandra Bullock transpire tout son soul pour montrer qu'elle voulait vivre. J'aurai voulu pleurer devant une véritable opiniâtreté à vouloir survivre. J'aurai voulu qu'elle n'aie pas besoin de Clooney en hologramme onirique, j'aurai voulu qu'elle se batte de toutes ses fesses, j'aurai voulu qu'elle me montre cette résistance de la vie, cette agressivité, ce dépassement de soi qu'on a en pleine jungle, j'aurai voulu un cri de rage, j'aurai voulu qu'elle me fasse bander sur mon siège.

A peine une érection quand je l'ai vue apparaître en boxer.

Et puis, cette interrogation : pourquoi faire un film aussi court? Cuaron se dépêche de finir son film, rebrousse chemin, s'extirpe de son projet démentiel en bâclant un tantinet par une fin tirée par les cheveux. Il avait trop la tête dans les étoiles, il est préférable de revenir les pieds sur terre, et de faire un film moins ambitieux, à portée plus raisonnable. La possibilité de faire un film parfait a fait peur, ce soi-disant chef-d'oeuvre que les gens disent lui a fait tourner la tête, cette oeuvre d'une ampleur qui aurait pu fricoter avec celle d'un Solaris.

Alors ok, L'oeuvre est dans son ensemble plutôt bien menée, carrée.

Après quelques jours, le film a plutôt bien mûri dans mon esprit, j'en garde même un excellent souvenir. D'où ma note, plus élevée que ce que laissent transparaître mes propos plus haut. Derrière les quelques déceptions liées à des sujets sous-exploités, il y a les images, immortelles, universelles. Car là-dessus, Cuaron remplit haut la main son contrat, et par la même occasion, à travers ce voyage dans l'espace, redore le blason du cinéma dont l'une des vertus premières est de... nous transporter.
Errol 'Gardner

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