Il était une fois la révolution
La révolution au sens astronomique du terme est la figure marquante du film : révolution des structures et des corps dans cet environnement dénué de gravité, révolution de la caméra virtuose de Cuaron autour de ces protagonistes dans des plans séquences ultra fluides qui sont sa signature mais aussi révolution technologique du CGI et (surtout) la révolution intérieure qu’ opère Ryan Stone, le personnage interprété par Sandra Bullock.
"Je pense qu’il s’agit du meilleur film sur l’espace jamais fait." James Cameron.
Comme mon réalisateur favori , Alfonso Cuaron se situe au confluent de deux tendances. D’une part une approche "technologique" utilisant les dernières avancées en matière d’effets visuels pour nous livrer une vision crédible de l’exploration spatiale (dans la veine d’un Peter Hyams).
Gravity n’est d’ailleurs pas une œuvre de Science-Fiction, les situations et technologies présentes à l’écran ne relèvent pas de l’extrapolation, ici pas de vaisseaux immenses aux technologies futuristes mais des mécaniques fragiles, finalement rudimentaires, soumises aux lois impitoyables de la physique. Si on peut rattacher le film à un genre c’est bien à celui du "survival" qui voit des individus isolés tenter de survivre à des situations extrêmes. Mais Gravity par son rythme effréné, sa durée ramassée évite l’écueil de l’ennui qui guette souvent ces films.
Le contraste entre la beauté et l’hostilité de l’environnement spatial a rarement été si bien rendu à l’écran. Cuaron en joue alternant des panoramas époustouflants avec des moments de terreur primale nous rappelant son in-habitabilité implacable.
Les effets spéciaux sont si détaillés et photo-réalistes qu’ils donnent l’illusion que le film a pu être tournés en orbite basse autour de la Terre. Dans un univers dénué de sons le travail sur la musique est capital, le travail puissant de Steven Price qui se substitue aux effets sonores fonctionne à merveille. J’ai adoré ces effets de crescendo brutalement interrompus comme absorbés dans le vide.
Cette beauté picturale conjuguée à la puissance sonore m’a rappelé les fresques de David Lean, Cuaron filmant l’espace comme Lean le désert de Lawrence d’Arabie.
Mais, à l’instar de James Cameron encore, Alfonso Cuaron adosse son spectacle à un enjeu émotionnel simple à saisir. Il ne laisse jamais la virtuosité technique ou la logistique entraver l’émotion.Si l’écrin est complexe, l’histoire elle est racontée sans artifices.
Il est assisté en cela par ses deux interprètes (Sandra Bullock et George Clooney remplaçant au pied levé Robert Downey jr) qui composent des personnages authentiques auxquels on s’identifie avec facilité. Cette identification participe à l’expérience immersive du film le spectateur étant complètement investi dans leur survie.
La performance de Sandra Bullock (après que Angelina Jolie ou Natalie Portman aient ‘orbité’ autour du projet) est évidemment centrale, tour à tour forte et vulnérable le film retrace sa lente renaissance (ce thème est illustré de nombreuses fois au cours du film à travers par exemple un plan qui la saisi en position fœtale le cordon de son scaphandre flottant tel le cordon ombilical ou bien dans sa conclusion), son interprétation brille tout particulièrement dans une séquence sobre et déchirante ou elle doit faire le choix entre survivre ou disparaître. Elle n’a jamais été aussi bonne que dans ce monologue.
George Clooney dans le rôle de l’astronaute vétéran dont c’est la dernière mission incarne de manière bienveillante ce personnage dont l’ expérience est la seule chance pour Stone de regagner la Terre, il apporte d’ailleurs les quelques notes d’humour du film.
Ni franchise, ni adaptation Gravity est un authentique film populaire, nul besoin d’être geek, fan, nerd, snobs, hipster ou gamer pour l’apprécier pleinement. C’est une expérience sensorielle et émotionnelle à vivre dans la plus grande salle possible qui apporte un magnifique démenti à ceux qui professent la mort du cinéma.