Quelques défauts sans gravité ?

Aujourd'hui, je m'attaque à Gravity. D'aucuns me diront sans doute que c'est totalement sans intérêt, étant donné que tout le monde va voir ce film, que tout le monde le critique, et que tout le monde est d'accord sur le fait qu'au bout de la première demi-heure, tout est terminé. Je m'en contrefous, je vous embrasse sur les coudes, et je continue. En fait, non, je ne vous embrasse même pas, vous êtes bien trop hautains pour cela.

Le film démarre sur quelques petits mots doux qui viennent annoncer qu'on n'est pas là pour se marrer : "toute vie dans l'espace est impossible" achevant la liste des tristes vérités. Je refuse, je réfute ! Qu'en est-il des tardigrades ?

Après cette bonne vanne qui nous a beaucoup fait rire, le silence s'est installé. Le silence spatial dont je rêve devant chaque film prenant lieu en orbite. Durant la progression du film, la déception va s'installer de ce côté-là : on passera de la contemplation en silence aux musiques prenantes et aux longues tirades. Pour sortir du côté blockbuster qu'il tient tant à garder, ce film aurait dû se passer de musique (du moins tant qu'on n'était pas sur Terre) et limiter les dialogues. Je m'attendais à du minimalisme sonore, j'ai été très déçu quand le son a été autre chose que les émissions radio et les bips des machines.

Toujours est-il que c'est beau. On passe de la troisième à la première personne, ça tourne, ça virevolte, on comprend rapidement cette sensation de perte totale de sens de l'orientation. Déjà qu'à l'origine je n'en ai pas beaucoup, ça m'en a presque donné la migraine. Loin des sentiers battus, on a l'impression de vivre quelque chose d'inédit, et d'en prendre part. C'est en haut, en bas, ah non, sur le côté mais à l'envers. On a ce qui nous a été promis. C'est beau, c'est angoissant, c'est prenant, c'est excitant.

Après le choc brutal, dérive, cadavres, vol aléatoire, rebonds sur la coque, câbles qui rompent, Clooney qui lâche prise, panique, manque d'Oxygène, angoisse, ambiance silencieuse, solitude, bon sang ! J'en avais les yeux exorbités, j'étais en flip, j'étais devant une perle, quelque chose que je n'avais jamais vu, tourné avec génie. Des petits dialogues chiants ? Pas grave, c'est cohérent. On est tendu, on veut la suite, la vie d'une personne tient à sa capacité à attraper une barre au hasard de bonds, elle ouvre le sas, elle manque de décoller vers le vide, elle...

Pause.
C'en est trop.
On fait une pause, on nous montre l'héroïne en position fœtale.
Calmez-vous.
Respirez.
Oh le bel ISS.
Regardez, un rubic's cube.
Rolala.
Diantre !
Et c'est reparti pour un tour.

Voici, ladies and gentlemen, TOUT ce que je reproche à ce film et qui fait qu'il n'a obtenu qu'un merveilleux 7 au lieu d'un cultissime 9. On a trop de pauses. On a trop de moments où l'angoisse retombe. Trop de breaks pour mieux relancer ensuite. Je me serais passé de plein de choses ne menant à rien pour plus encore de dérive spatiale, de débris détruisant tout, de pannes moteur. Chaque fois que Ryan est dehors, chaque fois qu'on sait qu'un faux pas c'est la mort, c'est merveilleux.

Cependant, chaque fois qu'elle est dans son fauteuil à lire son manuel, ou à téléphoner à des inconnus pour imiter un loup hurlant à la lune, c'est dommage. C'est fait pour être beau, c'est compréhensible dans la situation où se trouve le personnage, mais c'est chiant. Ça nous gâche une ambiance pour en créer une autre qui n'est pas celle qu'on nous a promise, ça tombe dans le déjà vu.

Ce film a tout le potentiel pour être puissant, il démarre sur en quelques minutes, et il s'essouffle petit à petit pour devenir un autre film de science fiction, un code du survival, un cliché de l'aventure semée d’embûches.

Georges qui revient en imagination pour quoi ? Pour donner une solution que l'héroïne ne comprend même pas ? Je ne sais pas, je trouve ça facile et inutile. Elle est seule, elle n'a pas besoin d'avoir un retour Clooneyen pour comprendre quoi faire. Ce n'est pas Morgan Freeman, c'est Clooney. Il n'est pas là pour expliquer.

Mais merci à ce film qui m'a appris que je peux lire très facilement un manuel en russe sans en connaître un traître symbole, que je peux piloter une capsule chinoise en jouant à am-stram-gram... Tiens, ça aussi, sérieusement, c'est comme ça en vrai ? Les énormes engins qu'on envoie dans l'espace, ils n'ont pas des boutons et instructions en anglais, histoire que tout le monde pige le truc en deux-deux ? Parce que si les Chinois achètent un Italien pour l'installer dans une station spatiale, le mec est mort au moindre problème technique.

Tout se termine sur le final de l'atterrissage dans le lac, nous offrant une agression de la Terre presque pire que celle de l'espace. L'espace t'aspire, la Terre t'envahit de flotte puis te noie. La gravité te fait couler alors que tu flottes sans fin dans l'espace. Dans les deux cas, tu suffoques, dans les deux cas ton oxygène est une denrée rare, dans les deux cas tu galères. Silence dans l'espace, invasion d'appels radio sur Terre. C'est encore une fois un peu lourd tellement c'est évident, mais c'est amusant de faire cette comparaison.

Le plan final, si porté d'une musique très agréable, n'est pas si génial que ça. Et j'avoue regretter que le temps alloué aux beaux discours que personne n'entendait ne l'ait été à un quelconque épilogue. Parce qu'elle marche, mais vers où ? Elle est où ? Comment elle va faire, pour survivre avec un shorty et un débardeur ? Vous le saurez dans GRAVITY II : RETURN TO EARTH. Sortie en 2015.

Et pour ceux qui me disent que je n'ai même pas parlé de l'allégorie sur la maternité qu'on a tout le long du film, je vous dis simplement que ça fait trop 2001 pour moi.

Oh, et la 3D était vachement bien. Après 4 ans, les cinéastes ont enfin compris comment ça marchait.
LSN
7
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le 28 oct. 2013

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