Malgré la navette Explorer, la station spatiale internationale, la station spatiale chinoise, les scaphandres spatiaux, les capsules Soyouz et Shenzhou, Gravity n’est pas un film sur l’espace. Alfonso Cuarón retrouve plutôt l’un de ses thèmes phares : la maternité, et plus largement le cycle de la vie. On ne s’étendra pas sur les symboles qui parsèment le film (cordons ombilicaux, capsules/matrices, positions fœtales, naissances allégoriques, terre fertile, nourrisson qui pleure…). On ne commentera pas les déboires psychologiques de Ryan (Sandra Bullock) confrontée à sa propre mortalité après avoir fait face à celle de sa fille, ni sa capacité de résilience. On ne dissertera pas non plus sur le vide, objet d’une infinie contemplation. On ne se laissera pas aller à une quelconque réflexion métaphysique sur la distance et la proximité, le temps et l’espace. On profitera simplement du plaisir cinématographique que l’on éprouve avec ce Gravity spectaculaire qui nous offre une expérience sensorielle rare et précieuse.

Esthétiquement et techniquement, le film se révèle d’une virtuosité sans commune mesure. Alfonso Cuarón délivre des plans-séquences chorégraphiés qui, aidés par une 3D utilisée à bon escient et un réalisme bluffant, nous embrassent à tel point qu’on se croirait, nous aussi, abandonnés dans l’espace, dans notre scaphandre/salle de cinéma à la dérive. Même la musique, pourtant fort pompeuse, est avalée par ce flot d’images qui nous dévore. Les spectateurs se transforment en enfants admiratifs – que la Terre est belle vue de l’espace ! – et angoissés – l’espace est un milieu hostile. Le scénario se déroule comme du papier à musique, convenu et néanmoins brillant. Sandra Bullock et George Clooney trouvent là des rôles en or. Sans leur interprétation toute en finesse, ce huit-clos spatial serait vain et cette quête pour la survie inutile.

Avec une once de lyrisme musical en moins, Alfonso Cuarón nous aurait offert, avec Gravity, une épure relevant du chef-d’œuvre.
EleuthereJ
9
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le 31 oct. 2013

Modifiée

le 1 nov. 2013

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