J'ai longtemps hésité entre 6 et 7. Disons finalement que je mets 6 à Gravity, avec un petit bonus, puisqu'il a le mérite d'être quasi le seul film dont la 3D ne m'ait pas dérangée : au contraire, elle était même appropriée et pertinente - quoique ni indispensable ni complètement révolutionnaire.


Mais la 3D, en réalité, je m'en fiche un peu. Ce que j'ai aimé, dans Gravity, ce sont entre autres choses les plans-séquences, les dialogues qui ne passent que par la radio, la voix de Clooney, et surtout, surtout, l'humilité devant l'espace, cet ennemi de tous les instants.


Mais justement, bon sang, cet espace, il fallait l'exploiter un peu plus ! Gravity commence par un texte en blanc sur fond noir qui, je crois, rappelle que dans l'espace, en gros :
- il n'y a pas de pesanteur
- il n'y a pas d'oxygène donc rien à respirer
- il n'y a pas d'air, donc pas de son
(choses somme toute assez familière pour quiconque a déjà entendu parler de l'espace).


Et c'est là que j'attendais Gravity au tournant.


Pour la pesanteur, rien à dire : Cuarón respecte le contrat proposé par son titre. Les plans subjectifs dans les scènes d'actions donnent le tournis (je me suis demandé un moment si mon estomac tiendrait toute la séance, et en fait ça va). La fin (je ne serai pas plus précise pour ne pas risquer de spoiler) souligne bien l'importance, aussi bien visuelle que narrative, de cette fameuse "gravity", qui nous accroche au sol de façon si rassurante, et qui manque tant aux astronautes passée la première allégresse éprouvée à sentir flotter son corps.


Pour la respiration, c'est plus discret, mais tout aussi réussi. Mine de rien, Cuarón nous enferme avec ses personnages et leurs malheureux 10% d'oxygène. La preuve de l'efficacité de la tension narrative : en sortant de la salle, j'étais ravie de pouvoir respirer le bon air frais de Stalingrad (hum...). Car l'atmosphère dans la salle était, par contagion, étouffante. Pas mal pour un blockbuster spatial.


Reste encore le son. Là se trouve ma grande déception. Mais zut, moi j'attendais un film silencieux, un film à l'image de l'espace, caractérisé par le vide, le silence, avec de temps en temps bien sûr, du son, puisqu'il y a les radios, le son à l'intérieur des vaisseaux, la respiration de Bullock à l'intérieur de son scaphandre... et pourquoi pas un peu de musique et d'effets, qui auraient été d'autant mieux sentis qu'ils auraient été rares. Et entre les deux, du silence... Mais ce silence, il m'a manqué pendant la séance. C'est comme si le film avait peur de complètement oser à se confronter à tout ce vide, à tout ce silence, et à véritablement se frotter à des problématiques qui auraient pu être géniales dans Gravity. Car quand même, et ça Cuarón l'a compris, être seul face à la Terre à des milliers de kilomètre de toute vie, ça fait réfléchir.


Or finalement, lorsque le film lève le pied sur l'action pure pour s'essayer à la gravité, il le fait sans... légèreté. Dès que le film touche au "background" du personnage de Sandra Bullock, à tout ce qu'elle a laissé bien à plat sur la terre ferme... et bien c'est avec la délicatesse d'un chien dans un jeu de quille - ou d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, je ne sais pas.
Fort heureusement, conscient des faiblesses de son oeuvre, Cuarón n'insiste pas trop, et les mentions à ce passé resté sur terre ne sont pas trop envahissantes. Ce qu'il aurait fallu, c'est pratiquement lâcher l'affaire, et se concentrer sur tout ce qui se passe entre la première et la dernière minute du film, exploitant les 90 minutes données par Clooney à Bullock pour s'en sortir (car après il sera trop tard) : mieux valait faire un film "en temps réel", ce qui l'aurait dynamisé et aurait étoffé le concept, plutôt que de faire de l'à peu près autour de ces quatre-vingt-dix minutes...
Tout ça aurait permis de mettre l'accent sur ce qui est nettement le point fort du film : sa capacité d'immersion, grâce à une esthétique très réussie (c'est beau!) et une action certes répétitive mais efficace.

Lilou
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le 23 nov. 2013

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