Mesdames, mesdemoiselles, et messieurs. Bonjour.


Installez-vous confortablement. Chaussez vos lunettes. Bienvenue au Vingt-et unième siècle. J’ai vu ce film en salle. C’était le dernier Cuarón en date, et tout Cuarón est un évènement. Je suis arrivé tout excité au guichet. La nana m’annonce alors, que le film est uniquement en 3D. Aie ! J’aime pas la 3D. C’est juste un truc inventé pour augmenter le prix des places. Et puis mettre une autre paire de lunettes sur mes lunettes de vue, c’est ridicule. Et puis on dit que la 3D, ça donne mal à la tête. La guichetière me rassure sur tous les points. La technologie a progressée depuis deux ans. Elle, elle met la paire de lunettes 3D sur ses lunettes, et n’a jamais mal à la tête. Bon. Mon intuition me dit qu’on va tous y passer à un moment ou un autre, à la 3D, un peu comme on est passé de l’analogique au numérique. Puisqu’on est dans le bain…


Ça donne quoi la 3D ? Une immersion plus grande, mais pas totale, faut pas rêver. Tu ne vois plus ton voisin de siège, et les personnages sortent de l’écran 2D pour te coller au visage. Mais je pense que s’il y a un film à voir en 3D, c’est celui-là. L’impression de relief est bluffant. Nous sommes en intégrale apesanteur tout le temps. Un long plan séquence aidé. Les esprits chagrins diront, scénario faible. Je répondrais, oui et non. Le scénario serait faible, si Cuarón n’était pas au courant. Hors, il le sait, et assume. Mieux, il l’utilise. Des tonnes de dialogues inutiles, sont remplacés par une situation simple et problématique. Comment survivre dans l’espace, seul, et où « personne ne vous entend crier ». Ce film c’est un survival, plus grand.


   Une autre erreur, c’est selon moi, de dire que c’est un film de SF. Moi j’en doute. Pas de futur, d’Et, d’intelligence artificielle, de passé ré-inventé, de grands textes, de rayons laser, que sais-je ? Le film est actuel, et la situation, « réaliste ». Avec un truc en plus. La caméra ne se pose jamais, et nous avec elle, car elle n’a pas de sol où se poser, c’est tout ce qui fait la magie. Dans l’espace, nous sommes en révolution perpétuelle. On y prendra goût, comme porté par une drogue douce. Un film sur la gravité au sens propre, voilà le projet. Je n’avais pas eut cette impression au cinéma depuis Matrix. L’impression de voir un truc nouveau, jamais vu. Á 360° avec vue imprenable sur la planète terre, si proche, on a : « Une vue imprenable », comme dit Georges Clooney alias Kowalski. Je confirme. La plus belle vue au monde, qui donne envie de devenir astronaute, rien que pour voir ça d’en haut. Si proche et si loin en même temps. Toutes ses grandes taches jaunes qui figurent les grandes agglomérations, le bleu flamboyant du ciel dans la mer. Une boule de Crystal bleue gigantesque. Avec de milliards de points lumineux. Les points lumineux, c’est nous. Les villes, les pays. Si proche. Gravity, est un film à éviter si vous êtes sujet au vertige, ou à l’angoisse existentielle car…


     L’Odyssée de l’espace de Kubrick se résout enfin. Nous sommes en orbite
avec le docteur Ryan Stone, et quelques collègues, qui bossent à réparer la station spatiale. On ne peut plus simple. Et soudain voilà HAL, ou la voix de Dieu (ou la voix d’Ed Harris), qui annonce la fin de la récréation. Il y a eut un accident. Un satellite a explosé, et les débris arrivent sur nous à la vitesse d’un cheval fougueux. Il faut se tirer en vitesse! Rien de mieux que le classique accident, pour mettre en branle la mécanique du suspense. Tous les grands films catastrophes connaissent ça, de La Tour Infernale, à Titanic. Après, rien ne se passe comme prévu, vous vous en doutez. Celui-là est plus spectaculaire que Titanic, et plus rentre-dedans que la Tour…Une vraie baffe. Ryan se retrouve toute seule dans l’espace. Comme une grande.


  Sans filet, la peur au ventre. Ryan, c’est Helen Ripley, sauf que le démon est intérieur.


   L’angoisse qui fait perdre tout contrôle, et oublier ce qu’on a appris à l’entraînement. C’est sa première mission, elle est inexpérimentée. C’est au pied du mur que l’on voit le maçon. Débrouille-toi toute seule. Un accident, en entrainant un autre, etc. La fameuse technique des dominos catastrophique,  jusqu’à la chute finale. Course contre la montre, ballet en chute libre. On repense aux origines quand on voit ce film. Je pense aux films de Méliès. La farce poétique, et les trucages artisanaux suffisaient à recréer un monde. On y est. Avec un tel raffinement visuel, on ne parle plus d’effets spéciaux, ou de design d’objet, mais bien d’œuvre d’art à part entière. Gravity est très sophistiqué visuellement.


La beauté formelle n’empêche pas Cuarón de filmer Sandra Bullock comme rarement on l’a filmée. Superbe portrait de femme, objet et sujet. Lara Croft et GI jane, dans un même corps, Barbie peut aller se rhabiller. C'est la tempête; et voilà un moment de calme et de méditation. Elle tourne dans le ventre de la navette de secours, comme un fœtus flotte dans un ventre de métal. Le plan est saisissant...et beau. La naissance ou re-naissance, en silence, en pleine éruption esthétique. Beau. Origines. Le seul film qui m’a fait aimer la 3D. Et pour cause, c’est le seul film qui ait pour sujet la 3D, non pas le gadget, mais ça conséquence. L’apesanteur des choses, l’image uniquement l’image, la plastique, la surface qui flotte dans l’espace. La 3D prend tout son sens. Tout flotte. Attention à l’extincteur !


 Des débris quelconque planent dans le vaisseau en dérive. Une photo de famille. Et tout semble comme attiré par l’œil du spectateur, la mire absolue, le centre névralgique. Tiens, un stylo ? Celui du scénariste peut-être ? Tout semble baigner dans un bain de sensations. Un dentier (?) Des boulons. C’est rigolo.  Cette navette spatiale part en morceaux, mais c'est beau. Le compte à rebours continue...


  L’héroïne ne devra sa survie qu’à de la chance, et à un gymkhana de haut vol, entre plusieurs autres stations environnantes, dont l’une américaine, (cassée), une russe, (en panne), l’autre chinoise, (mais elle ne sait pas lire le chinois). Oh là !
Ce film ne parlerait-il pas de façon symbolique de notre situation actuelle ? Passons... La théorie des dominos, en grandeur nature, d'accident sur accident, demande une prestation sans faille. J’avais des doutes sur Sandra Bullock, dans un film aussi physique. Je lui présente des excuses officielles. Un solo de presque 1 heure et demi. Elle passe à travers tout. Le froid intersidéral, le feu, la pluie de débris qui arrive de façon cyclique tel une plaie divine. L’incident électrique. La cage. Cet habitacle de secours, qui craque à tous les instants. Et le deuil des autres membres de la station. Et le deuil de sa fille pas loin.
Le travail sonore est impressionnant dans Gravity. Même en fermant les yeux, on y est. La musique a la bonne idée d’être discrète. Place au bruitage, à l'ambiance. Place au jeu. Le plaisir du spectateur en dépend n'est-il pas?


  Il n’y a pas de magie sans feu. Et Gravity nous rappelle qu’aux origines, le cinéma c’était un tour de foire, une démonstration de fête foraine, fait par un artisan qui voit autre chose que du cinéma. La mise en scène est immense, et la maîtrise technique idoine. Cuarón a posé ça là. J’attendais son nouveau film avec impatience, je ne fus pas déçu. Au sortir du cinéma, je n’avais pas mal à la tête.


PS : Je l’ai revu en 2D cette fois-ci.


En 2D aussi ça marche aussi.

Angie_Eklespri
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le 19 juil. 2018

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Angie_Eklespri

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