Tout le monde semble à peu près penser la même chose de Green Book. On sait d’emblée qu’on aura affaire à un film au trajet entièrement prévisible, avec la dose de bons sentiments qu’il fallait pour séduire Hollywood et rafler quelques Oscars. On évoque l'épineuse question du racisme aux Etats-Unis, mais en prenant le soin de situer le récit en 1960 (c’est-à-dire à une époque où le racisme était si grossier qu’on n’a pas de mal, en 2020, a posteriori, à se croire du bon côté de l'Histoire), en prenant comme personnage Noir un riche musicien éduqué, et en prenant les pincettes que le sujet nécessite.
En même temps, ce qui fait la réussite du film et de la relation entre le Doc et le chauffeur, c’est justement cette confusion-là. Un Noir familier des cercles mondains d’un côté, et un Blanc qui enchaîne les petits boulots de l’autre. Cette ambivalence permet au film de ne pas céder à une morale antiraciste trop balourde et contre-productive, puisqu’à la fin, Shirley doit faire un choix entre ses deux identités imposées et chacune inconfortable. En quelque sorte, il doit choisir entre solidarité de classe et solidarité de race.
Ça ne fait pas de Green Book un film follement profond, ni subtil dans sa démonstration, mais ce n’est probablement pas son but. Les deux personnages, très touchants, tiennent le film – et je regrette d’ailleurs que l’entrée en matière dure 20 minutes, parce que le film ne démarre vraiment que quand les deux personnages prennent la route ensemble. Et alors qu’on pouvait craindre que ce road movie s’enlise dans des situations répétitives, le rythme ne souffre finalement jamais de ce scénario minimaliste. Ca donne un film presque anecdotique, mais pas superflu pour autant