Deux ans après Blue Ruin, Jeremy Saulnier passe du film de vengeance au survival mais conserve son style ultra réaliste et froid dans le traitement de la violence, prenant à contrepied tous les poncifs du genre. Ce qui fait sa force mais également sa faiblesse.
Il nous narre cette fois-ci les tribulations d'un groupe de punk qui n'a d'autre choix que d'accepter un concert dans un taudis où se réunissent des néo nazis. Bien évidemment tout ça va partir en cacahuète et les membres du groupe, témoins d'un événement particulier, vont se retrouver enfermé dans la fameuse Green Room et tenter de négocier leur sortie. Mais ils en ont trop vu...
Ce qui frappe surtout, c'est l'absence de volonté de Saulnier de nous rendre ses personnages sympathiques ou attachants. Pour le groupe, les premières minutes passées avec eux ont même tendance à nous les rendre plutôt antipathiques! Mais Saulnier s'en moque. Je pense juste qu'il cherche à nous les rendre humains. Et en ce sens, c'est parfaitement réussi. Tous ont bien sûr des caractères différents et l'on peut éventuellement voir se dessiner quelques archétypes mais pas de clichés. J'étais pour ma part absolument incapable de deviner comment chacun allait réagir pendant le film et qui allait y passer!
Quant aux antagonistes du film, toujours dans cette volonté de réalisme, Saulnier ne cède pas à la facilité de mettre en scène des monstres de cruauté. Ses néo nazis sont pour la plupart juste des pauvres types plus pathétiques qu'autre chose. Le personnage de Patrick Stewart, leader de ce groupuscule, n'échappe pas à ce traitement. Il aurait été facile, surtout avec un grand acteur comme ça, de créer un personnage bigger than life, avec démonstration de force et monologue mémorable. Non, rien de tout cela. Là encore, c'est presque un type normal, même pas si effrayant que ça comme le soulignera l'un des personnage principaux. Pour poser sa cruauté, Saulnier n'usera que d'une seule réplique face à un personnage mourant : "Let him bleed". Simple et diaboliquement efficace.
Et c'est donc sur la violence et son traitement que Saulnier se démarque des autres. Elle surgit d'un coup, frappe vite et choque d'autant plus que les personnages qui y sont confrontés semblent souvent déconnectés, comme s'il leur était impossible de concevoir ce qui venait de se passer, renforçant pour moi son réalisme. Je pense notamment à la scène du cutter, le moment le plus tétanisant du film, pas tant par son aspect graphique que par sa logique et son détachement.
Contrairement aux survivals classiques, le réa nous épargne également les morts originales et nécessairement variées. Ici, plusieurs personnages peuvent mourir de la même façon, là encore par souci de réalisme. Et ne comptez pas non plus sur un final cathartique!
Voilà pourquoi ce film, ainsi que son précédent, sont pour moi très intéressants et méritent vraiment qu'on s'y attarde, d'autant plus qu'il n'y a rien à dire sur les talents de metteur en scène de Saulnier.
Mais au final, l'ensemble se révèle assez anecdotique. Tout cela n'était rien de plus qu'un fait divers sordide dont certaines images restent en tête mais il m'a manqué quelque chose d'assez essentiel: l'empathie pour les personnages.