Derrière la porte de la salle verte

Après Blue Ruin, Jeremy Saulnier est de retour avec un nouveau film décevant. Le schéma est encore le même, les critiques sont plutôt élogieuses et on nous promet un survival démentiel. Mon constat est aussi le même, malgré sa courte durée (1h36), le long-métrage s'étire et ne semble jamais en mesure de passer à la vitesse supérieure. C'est une nouvelle déception de la part d'un réalisateur adulé par les critiques, mais qui m'ennuie terriblement.


Les punks chez les nazis. On est jeune, on a pas de futur, alors on fait n'importe quoi. Résultat, notre bande de jeunes fougueux se retrouvent dans un coin perdu à scander "Fuck Nazi" (où un truc comme ça) devant un public de néo-nazis.... Avouez que cela n'est pas très malin de leur part, mais il faut bien que jeunesse se passe. Enfin, elle va surtout trépasser après avoir vu, ce qu'ils n'auraient pas dû voir et tout ça, à cause d'une porte non verrouillée, mauvais karma....


Un brin de provocation mène à beaucoup de problèmes. La pièce verte et celle où nos charmants punks en herbe, vont être enfermés. Nous sommes dans un huis clos pas vraiment étouffant, ni passionnant, ni enthousiasmant, bref rien de bien emballant. Comme les gentils et les méchants ne brillent pas vraiment par leur ingéniosité, il ne va pas se passer grand chose où du moins, ils ne vont pas savoir utiliser leurs deux neurones pour tuer où s'échapper.
Ils sont enfermés dans une pièce avec aucune sortie, mais vraiment pas une seule. On peut se demander pourquoi les néo-nazis ne les ont pas enfumer, voir exploser la porte pour les rejoindre et faire un bœuf. Du côté de nos jeunes héros, la découverte d'une autre pièce avec un stock de coke, ne fait pas naître en eux quelques idées. D'une part, il pouvait menacer de détruire tout cela et en connaissant la valeur de ce produit, il est possible que la cupidité de leurs adversaires soient mise à mal. Au pire, ils auraient pu fouiller la pièce et nous faire un joli mélange de matières inflammables pour déstabiliser les crânes rasés. Mais non, ils cherchent une sortie, c'est leur seule idée et cela ne donne pas très envie d'être en empathie pour ces personnes manquant de réflexion.
C'est facile de les accuser, mais le vrai responsable c'est Jeremy Saulnier. Il est à la fois réalisateur et scénariste, c'est une chose remarquable d'être à la création, puis à la finition. Par contre, une idée ne permet pas de faire un bon film. C'est à nouveau le cas, avec cette faculté à ne pas raconter, ni montrer grand chose en tournant en rond pendant près d'une heure, avant de mettre fin à notre calvaire en dézinguant tout ce qui bouge.


Jeremy Saulnier s'est inspiré d' *Assaut*, Délivrance et La nuit des morts-vivants pour son film. Il a de bonnes références, c'est un homme de goût. Mais cela ne fait pas forcément un bon réalisateur où du moins scénariste. C'est au niveau de l'écriture que le film pêche. On ne ressent pas vraiment de sympathie pour ce groupe de punks et on s'en fout un peu de leur sort. On a pas eu le temps de les connaitre et le peu qu'on a vu d'eux, on ne peut pas dire qu'ils soient attachants. Face au épreuves, ils auraient pu se révéler touchants, mais contre toute-attente, c'est Amber (Imogen Poots) qui va se révéler la plus coriace. Le bémol, c'est qu'elle ne fait pas parti de cette bande. Elle s'est retrouvée dans cette situation, alors qu'elle est une sympathisante des néo-nazis. Autre problème, le personnage masculin dégageant un brin d'humanité se trouve aussi être un néo-nazi en la personne de Gabe (Macon Blair). Pire encore, le seul moment de tendresse est dû à un chien s'allongeant auprès du corps de son maître. Le problème, c'est que les chiens vont être les principaux assassins de l'histoire.....
Bien sur, il y a quand même l'envie de les voir s'en sortir, tout en décimant du néo-nazi, mais quand leur seule idée et d'ouvrir la porte et de foncer dans le tas, tu te dis que finalement, ils ne méritent pas de vivre. Ce n'est pas très politiquement correct de penser comme cela, mais cette propension à vouloir se réfugier dans la pièce verte à chaque échec, devient ennuyeuse. Certes, ils ne méritent pas ce qui leur arrive, même s'ils sont un peu cons. On pourra aussi se demander pourquoi Pat (Anton Yelchin) ne finit pas son histoire de paintball, alors qu'ils sont encore cinq, vu que cela semble être la solution à leurs problèmes. Il va raconter la suite quand ils seront beaucoup moins, étrange....


Et si finalement, le film souffrait de la malédiction des titres avec "Green" dedans. La liste parle d'elle-même : The Green Inferno, The Green Hornet, Green Lantern (bon, je ne le trouve pas si mauvais), Green Card où encore Green Zone. Le vert porte-t'il malheur ? La question mérite d'être poser. A moins que Jeremy Saulnier souffre d'un excès de confiance, vu qu'il nous promettait "un film d'action frénétique et survolté". Je cherche encore à quel moment c'était le cas, à moins qu'un chien choppant un homme à la gorge soit un truc totalement fou, où un bras cassé, voir un jet d'extincteur dans la face, bref.....
On a un soupçon d'humour noir, mais il faut avoir un peu de patience et ne pas partir avant la fin. Cela ne sauve pas l'oeuvre, mais confirme tout le talent d'Imogen Poots déjà convaincante dans Broadway Therapy. Au moins, le casting est plutôt intéressant. Macon Blair, le héros de Blue Ruin est aussi de la fête. Sa bonne bouille illumine à nouveau l'écran, même si son rôle est plus obscur. Alia Shawkat s'évade de la série Arrested Development en changeant de registre et se révèle aussi attachante que sa camarade Imogen. Au contraire de Callum Turner, faisant office de potiche, tout comme Joe Cole malgré sa passion pour la violence physique. Patrick Stewart en contre-emploi, c'est pas trop mal. Mais malgré toute mon aversion envers ceux qui font preuve de racisme, il n'est pas vraiment terrifiant. Après, je dois avouer que j'avais l'énorme American History X en tête et vous avouerez que Stacy Keach était vraiment un sale enculé, tout comme Edward Norton et ses camarades nazis. Ce film ne boxe pas dans la même catégorie et ne fait pas preuve de puissance dramatique en n'étant juste un exercice de style moyennement intéressant.


La soi-disant "Bombe de l'année" est un pétard mouillé, aussi décevant que Blue Ruin. Le cinéma de Jeremy Saulnier ne me fait pas d'effet, il est fait de références avec des airs de "déjà vu", en ne faisant jamais preuve d'originalité en s'appuyant sur une idée mais sans jamais avoir la capacité de l'exploiter correctement. Cela se regarde, mais vraiment rien de plus.

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le 27 avr. 2016

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Laurent Doe

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