Guy, sous la caméra d'Alex Lutz, est une vieille semi gloire de la chanson tour à tour touchante, drôle, maladroite, mal embouchée, réac', douce, sympathique, irascible et imbuvable. Comme à peu près toutes les personnes âgées de notre entourage. Celles avec leurs tics énervants, leur caractère aléatoire et leur franchise parfois brute de décoffrage.


Guy est un portrait intime chargé de mélancolie, de poésie, d'instants de grâce et de silence qui feront parfois monter les larmes aux yeux. Le procédé du documentaire face caméra dénude et désarme, quand la star étale sa franchise, sa détresse ou les regrets d'une vie bien remplie et de laquelle il a joui pleinement. C'est en partie, en creux, le propos du réalisateur, qui fait baigner les derniers instants de son oeuvre dans une atmosphère étrange, douce-amère.


Il parle aussi des apparences, des registres et du paraître propre à l'univers du show business, des étiquettes qui ne ressemblent pas à ce qu'est Guy en privé. Du côté dérisoire de ce grand cirque, en forme d'ultime tournée entre concerts en province et promotion balançant entre asepsie et ineptie.


Guy, c'est un peu de tout cela, et l'on se dit qu'Alex Lutz a tout bon dans le portrait qu'il dessine délicatement...


Sauf que ce constat ne peut être dressé qu'en mode alternatif.


Car Guy a été monté sur un rythme aléatoire et presque désincarné. Où ces instants touchants : cette colère libératrice, cette intimité partagée, cette engueulade, sont mêlés à des instants beaucoup plus triviaux, pris sur le vif et qui ne disent pas grand chose de la star, hormis l'esprit de troupe, voire de famille, pris par la tournée.


Guy rate donc parfois le coche, alors qu'Alex Lutz semblait avoir toutes les cartes en mains pour réussir son faux documentaire et son vrai portrait attachant et juste. Grace à sa performance, tout d'abord, même si on peine parfois à réellement se détacher de l'acteur pour s'accrocher à sa figure de fiction pourtant dessinée avec soin. Aussi parce que non seulement Guy envisage sa star par le prisme de l'air du temps, il fait en sorte de renverser les perspectives en permettant à son chanteur d'affirmer son regard sur un monde actuel avec lequel il semble parfois en décalage.


Et permet de révéler certaines aspérités du bonhomme, ressemblant par instants à un Michel Sardou dans son aspect réac' et franc du collier. Guy ne porte pas donc uniquement un regard bienveillant sur une personne âgée qui a été un jour célèbre, mais porte en creux la question de l'interaction et des relations avec les autres, plus ou moins proches de l'artiste, et dont le fil illégitime marque une sorte d'apogée. L'un fuit l'oeil inquisiteur de la caméra tandis que l'autre se rapproche et partage la vie privée, alors que Guy Jamet semble se cacher dans la garrigue du Sud de la France et avoue "avoir du mal à ouvrir la porte".


L'étranger est cependant un intime. La star le sait-elle ? Si la fin du film donne une réponse en creux, sans jamais la verbaliser, le spectateur aurait sans doute aimé que cette grâce et ces non-dits rythment la totalité d'un film sympathique mais parfois maladroit. Qui va parfois très haut mais retombe parfois dans le trivial et le facile.


Si Guy réserve de très jolis moments, entre pudeur, sourire et mélancolie, il se montrera aussi trop inconstant pour totalement convaincre. Alors même qu'un excellent billet, qui parle pourtant à peu près de la même chose, montre qu'une partie du public sera conquise d'avance.


Dommage que le masqué ne fasse pas partie de cette dernière catégorie.


Behind_the_Mask, quand j'étais chanteur...♫

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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2018 et Les meilleurs films français de 2018

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le 5 sept. 2018

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