Comment tromper le grand public (et le décevoir).

Une belle gueule ultra-populaire, dans un film d'un genre ultra-codifié, réalisé par le type qui a pondu Collatéral (excusez-du peu), que pourrait-on rajouter de plus pour racoler le grand public ? Beaucoup se sont sans doute attendu à un ersatz de Die Hard ou je ne sais quelle autre merde de film d'actions, et se sont sans doute trouvé ben mal à l'aise quand ils se sont trouvé face à un film qui est parfaitement maitrisé de bout en bout. Un film d'une qualité comme ils n'en voient sans doute jamais, mais où il faut avoir l'esprit bien alerte, comme ils n'en ont sans doute jamais plus l'habitude également, afin d'apprécier la lecture du film.


En effet si le scénario du film semble banal au premiers abords (un hacker, en taule, se fait libérer afin d'aider le gouvernement à contrer l'attaque terroriste d'un cyber-criminel), au moins le film va jusqu'au bout de son idée, tout en nous offrant une oeuvre intéressante et pertinente sur son sujet. Déjà de par sa mise en scène qui est efficace en suivant à la lettre cette maxime qui définit la grammaire du cinéma: "Show, don't tell". Comme cette scène où Chris Hemsworth, le héros du film, il désire la nana du film, il la veut, parce qu'il est tombé sous le charme. Et bien au lieu de faire une emphase de merde sur les sentiments des personnages avec des dialogues creux, la caméra va se poser sur les cheveux, sur les genoux de la fille. Puis on voit le héros qui la désire toujours, sans pour autant jouer le minet complètement débile, pour enfin que la caméra nous montre les lèvres de la fille, et puis son regard, intrigué. Faut pas être ingénieur pour comprendre ça, c'est subtile, mais c'est fin et ça se mange sans faim. C'est de toute bôôôté ma petite dame. Et ça, c'est UNE scène qui dure moins d'une minute. Et le film regorge de ce genre de scène subtile. Et quand le film a besoin qu'un personnage parle, ça va droit au but. Lorsque le héros témoigne de la solitude dans laquelle il a vécue en prison, avec la nana qu'il a fait sienne, ça se fait en 4 lignes de dialogue, avec une scène d'une tendresse toute naturelle entre les deux personnages où le héros passe son temps à lui caresser les cheveux. Il n'y a pas besoin de faire une scène de flashback de merde où on doit expliciter toutes les pires expériences émotionnelles qu'a vécue le héros pour le comprendre ça. Et pareil, ça dure 30 secondes, mais ça dit déjà tout ce qu'on doit savoir sur le héros et comment l'intimité entre ces deux personnages est créé.


Et puis si vous pensez que Micheal Mann, dans un film d'action, tout ce qu'il sait mettre à l'écran de manière un peu originale, c'est les scènes d'amour, attendez de voir comment le frère de la nana, il se fait pêter la rondelle à coup de bazooka de manière surprenante grâce à un habile hors champ lors d'une scène d'émotion entre ces deux protagonistes, sans qu'on puisse s'attendre à un déroulement si surprenant. Bon, je vais pas non plus en révéler plus, mais même la scène d'action finale nous prouve qu'il n'y a pas besoin de faire pêter 10 tonnes d'explosifs pour faire quelque chose d'intéressant, qui est d'une tension folle et qui vous marque. Enfin, dernier point sur l'écriture et la mise en scène, même quand on se surprends à voir des éléments de patriotisme américain, qui semble hors sujet, en faisant référence au 11 Septembre. Ben là aussi en fait, ça sert tout le propos du film avec une séquence qui dure 10 secondes et qui contient pourtant tout le coeur du propos du film. Le grand terrorisme aujourd'hui, il ne détruira plus des tours, mais il sera bien plus discret et il sera dans vos ordinateurs et dans votre poche. Mais bon, je vais pas faire non plus une analyse de tout ce qui est intéressant dans le film, sinon, je peut en faire un ouvrage.


Comme je l'ai dit dans l'introduction, tout est maitrisé impeccablement dans ce film, même la musique ultra discrète est là uniquement quand c'est nécessaire. On pourrait croire qu'on tient là le film parfait, qu'après ça, tu peux te crever les yeux. Maaaaaaiiiiiis...


Sa maitrise fait aussi que le film est peut-être trop intellectuel, et qu'on ne se sent pas toujours émotionnellement en phase avec les personnages. C'est pas spécialement nécessaire pour apprécier un film vous me direz, et je suis tout à fait d'accord, mais du coup, certaines scènes paraissent moins grisantes que ce qu'elles auraient pu être autrement. Notamment les scènes d'investigations du deuxième acte, lorsqu'ils sont en Chine. Et à la fin même de ce deuxième acte, lors de la scène de course poursuite entre les enquêteurs et les malfrats, la caméra change de point de vue toute les 5 secondes, ça m'a vraiment frustré de voir ça. Je sais que certains rétorqueront, à raison, que la séquence est globalement lisible parce qu'on te rappelle entre-temps toutes les localisations de tous les personnages impliqués. Mais sur le coup, c'est juste chiant d'avoir 5 secondes de "shaky-cam" entre-coupée de 5 secondes de plans fixes, et ainsi de suite pendant 7-8 minutes. Heureusement, c'est une durée quasi-négligeable pour un long-métrage de plus de deux heures, mais c'est là, et c'est suffisant pour justifier le fait que mon expérience à moi, ben elle n'était pas parfaite.


Pour terminer, je dirais que voilà sûrement l'une des oeuvres les plus maitrisée du cinéma de 2010. Je pense que c'est un film à voir ABSOLUMENT, ne serait-ce que pour constater que, quel que soit le genre, et bien, oui, il y a moyen de faire un cinéma intelligent qui ne prends pas son public pour des buses, tout en étant accessible à condition qu'on allume son cerveau (vous allez voir, tout va bien se passer, ça fait pas de mal de temps en temps).

Valoo24
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le 14 mai 2019

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