Si les parties sont à priori moins distinctes que dans certains films chapitrés d’Hong Sangsoo, Haewon et les hommes ne déroge pas aux règles imposées par son cinéma : Une discussion ou une errance mènent systématiquement vers une autre discussion ou une autre errance. La voix off est celle de l’héroïne qui nous confie quelques pages de son journal intime. C’est quasi exclusivement une affaire de duos : Haewon et sa maman, d’abord – voire même une introduction Haewon et une célébrité (Jane Birkin) qui semble faire un peu trop écho à In another country, avec Isabelle Huppert – puis Haewon et son ancien amant (que l’on retrouvera plus tard) ou Haewon et un professeur rencontré par hasard.


 Très peu de lieux une fois encore, le style HSS est de plus en plus minimaliste, très doux autant qu’il laisse une sensation de tristesse infinie, dans ce parcours chaotique semé d’incertitude. On s’y promène beaucoup (Lors de très jolies scènes au fort de Namhan, notamment), on y boit allègrement, on y dort aussi – Haewon a cette manie de s’endormir un peu partout, au café, à la bibliothèque, renforçant ce climat de rêve cher au cinéma du sud-coréen et l’incertitude quant à savoir si certaines situations sont rêvées ou vécues.
Dans sa démarche, son rire, son regard, sa nonchalance, sa force, son imprévisibilité, Jeong Eun‑Chae est une jeune actrice magnifique (Et c’est vrai qu’elle ressemble à Charlotte Gainsbourg) s’accaparant tout le film au point d’en dévorer les personnages secondaires qui apparaissent puis disparaissent du cadre autant que de notre mémoire, s’acclimatant idéalement à l’état d’esprit de la jeune femme, volatile, impulsif. Elle qui se laisse guider par ses échecs pour capter sa mélancolie et retrouver de son innocence.
Si j’ai un reproche à faire au film, c’est cette crainte, qu’avec le temps, je le confonde avec d’autres HSS, tant il se différencie peu de sa petite musique désormais traditionnelle, à contrario des deux derniers HSS en date. Car il y a sensiblement les mêmes situations d’un film à l’autre, depuis quelques années, les petites répétitions au sein du récit se multiplient (lieu, discussion, objet, plan) et les variations sont de plus en plus infimes, invisibles, tout en continuant d’exister afin de tirer chaque film vers davantage de tendresse, d’onirisme, ou de tristesse. Haewon et les hommes est probablement plus doux-amer que les autres.
JanosValuska
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le 12 juil. 2017

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