How To Make A Monster (Critique de la version Director's Cut)

Si il fallait choisir un des tracks de Rob Zombie pour annoter ce film, ce serait bien "How to make a monster". Si Zombie se contente (le mot est faible) d'adapter une des figures emblématiques de l'horreur, il impose sa vision du tueur, qui s'avère être rafraîchissante et lui attribue de nouvelles facettes. Retour sur cette ré-adaptation d'un mythe.


Émergeant d'une nouvelle vague de réalisateurs de films d'horreur post-2000, Rob Zombie, qu'on l'apprécie ou non, en est un des représentants, qui en quelques années, est parvenu à déchaîner les foules tout en s'attirer les foudres. Et même en faisant impasse sur son œuvre, son « Halloween » était un bon prétexte pour la critique facile/à la petite semaine pour enfin se défouler sur lui, lui reprocher le fait de n'être qu'un "opportuniste" qui s'est trompé de monde, « un bouffon du rock'n'roll qui s'amuse à faire du cinéma » comme cité, inespéré et supposé par Zombie lui-même , repris dans l'introduction de « Le montreur d'ombres » de Jean-Paul Coillard.


C'est faux. Zombie a toujours eu pour vocation d'être un réalisateur. Réalisateur peu commun et hors-nombre d'ailleurs. Son cinéma est à la fois couillu et bordélique, pas toujours dans le mauvais sens. Cette passion pour le cinéma provient de son enfance, ayant été bercé par les films avec Béla Lugosi entre autres et bien plus de curiosités old-school. Cette influence se fait ressentir dans les albums de son premier groupe, « White Zombie » (dont le nom est déjà une référence à un « classique » du genre) en 1985 avec ces remix/incrustations de sons kitsch, à la fois vieillots et inquiétants et autres dialogues typiques empruntés à des anciens films d'horreur, aujourd'hui passés de mode.


Une influence fortement dégagée dans la réalisation de ses clips également. Il a donc tout à fait sa place dans le cinéma, ce qui démontre son talent de pouvoir à la fois jongler entre musique et cinéma. (Et de manière secondaire, l'écriture de comics). Persévérant, délaissant l'avis critique, Zombie fait avant tout des films pour lui. C'est pourquoi cette version moderne/modernisée d'Halloween, l'un des plus emblématiques film d'horreur de tous les temps, diffère du remake sans enjeu qui échoue systématiquement et qui plane sur une large partie des produits cinématographiques. Réaliser un simple remake n'a aucun intérêt pour lui si ce n'est de pouvoir le modeler de sa façon et en faisant son œuvre et non pas un produit calqué sur celle d'un autre réalisateur.


« Halloween » 2007 a la particularité d'être à la fois un remake et un reboot. Ce métrage peut ainsi être scindé en deux voire trois parties bien distinctes. La première partie équivaut à l'introduction de l'original de Carpenter, prolongé d'une bonne vingtaine de minutes. Se distinguant étonnamment de l'original, cette partie exploite l'agissement de Michaël Myers, doté de parole et d'une personnalité propre , d'une humanité évidemment bien plus flagrante et apronfondie que l'original. Aucune critique négative n'en découle vis-à-vis de l'original, soyons clair, et c'est ce qui en fait en partie l'intérêt de cette mouture  : creuser la mythologie de la saga et son personnage principal. La seconde partie, totalement inédite, correspond à la métamorphose, à la progression, à la régression en fait (et à la transgression de ce qui avait déjà été fait auparavant dans la saga ) de Myers vers son état adulte. Et enfin, la troisième et dernière partie est le remake du film de Carpenter réduit en une heure de temps.


Et cette dernière partie est la moins intéressante du lot. Mais elle était cependant essentielle, le film n'étant ni une suite ni un préquel et ne pouvait se permettre de modifier totalement la genèse de Michael Myers sous peine de se voir bouder et de se mettre à dos les fans de l'original et les critiques.


Cette partie est de ce fait moins intéressante et moins réussie parce que ce n'est, dans le fond,qu'une réduction de l'intrigue et un appauvrissement des personnages. Laurie Strode n’apparaît que tardivement (vers une heure de film sur les deux qui composent cette version) sachant qu'un grand échantillon du film repose sur son personnage. Le film manque de temps pour développer cornectement son personnage et se voit davantage enchaîner les meurtres plutôt que de s'attarder sur l'évolution de ce que l'on nomme « The Shape » dans l'original, qui est plutôt artificielle ici.


Dans l'ensemble, ce remake diverge énormément de son modèle. Ce n'est pas un énième remake formaté, c'est bel et bien un film de Rob Zombie. C'est à la fois tellement brutal et Rock 'n' roll, cru dans ses dialogues, White Trash, avec une psychologie nouvelle des protagonistes : Le docteur Samuel Loomis est à l'extrême opposé de celui joué par Donald Pleasance . Michael Myers est beaucoup plus humain, son comportement et son caractère psychotique approfondis, ainsi que la relation entre lui et Loomis, lui donnant à l'occasion un nouveau look, traduisant sa fascination pour les masques et donc l'explication du port du fameux masque, et dont l'intrigue se situe encore entre les années 70 et 90, périodes chères à Zombie. Cette version Director's Cut, plus longue de 11 minutes, voit d'ailleurs sa violence croître mais s'avère intéressante pour certaines scènes absentes de la version internationale.


Un petit mot sur les acteurs : Il y a une pléthore de guests. Quasiment tout les rôles secondaires (ou même principaux) sont tenus par des têtes connues: Malcolm Mc Dowell, Brad Dourif, William Fosrythe, Danny Trejo, Ken Foree, Udo Kier, Sid Haig, Bill Moseley et Sybil Danning. ...Plus subtil que le caméo, leur présence s'explique par le fait que Zombie aime s'entourer de ses amis en sachant qu'il est contre le principe du « guest pour le guest ». Ce qui ne l'a nullement empêché de le faire, allant jusqu'à oser attribuer le rôle de la mère de Michael à sa femme, qui se retrouve dans chacun de ses films, sans pour autant être une actrice à la base ! (Et pour le plaisir de nos yeux...Ne nous en cachons pas....)


Cette approche nouvelle, ce regard rajeuni sur ce classique de l'horreur qu'est « Halloween » (Qui n'a nullement mal vieilli) est une bonne pioche, risqué mais réussi. Et cette marge par rapport à La nuit des masques, en fait bien plus qu'un remake et en découle, objectivement, un bon film d'horreur et un bon cru signé Rob Zombie.

Créée

le 4 juin 2016

Critique lue 633 fois

5 j'aime

Quentin Dubois

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