Vu que tout le monde connait la genèse et le pourquoi de ce film, je passerai donc outre.


Main Title:
https://www.youtube.com/watch?v=BICyGaJRT18


Oublions qu'il a été rattaché à cette future/ex anthologie sur le thème d'Halloween, qui causa sa reléguation dans le rayon "mauvaise suite/mauvaise idée".


Season of the Witch (ou SOTW en abrégé) replonge dans les racines-même de la fête d'Halloween.
Qu'est-ce donc que cet Halloween ? C'est donc la fête de tous les Saints (Hallows'Even) qu'on appelle la Toussaint chez nous. Bête comme choux, me direz-vous !


Certaines traditions orales s'accordent à dire qu'Halloween se baserait sur l'ancien rite paien celtique, Samhain.
Mais alors, qu'est-ce que Samhain ?
C'était un festival Gaélique célébrant la fin de la Moisson et le début de la "moitié sombre" de l'année, soit la période hivernale. Chaque saison avait donc son festival:



  • Samhain, donc pour le passage au solstice d'hiver,

  • Imbolc le printemps,

  • Bealtaine l'été

  • Lughnasadh l'automne.


Samhain était aussi la période annuelle où la frontière entre notre monde (les Vivants) et l'Autre Monde (celui des Morts) devenait moins tangible, donc aisément franchissable par qui le voudrait.


Et qui dit Gaélique dit Stonehenge (puisque le Pays de Galles fait partie de l'île de l'Angleterre et que le dit Stonehenge s'y trouve aussi).


C'est en additionnant Halloween/Samhain + Stonenhenge que Nigel Kneale écrivit son scénario à la demande de John Carpenter.
En effet, ce dernier étant fan de la trilogie cinématographique des Quatermass by Kneale (il prendra d'ailleurs le pseudo Martin Quatermass pour signer le scénario de Prince of Darkness), il profita de son nouveau statut de cinéaste confirmé pour collaborer avec l'une de ses idoles.
Kneale fit cependant du recyclage en reprenant un de ses anciens scénarios non tourné (une histoire où un programme télé incitait les adolescents à se suicider) et en y rajoutant le gimmick Halloween/Samhain + Stonenhenge.
En moins de six semaines, son script était bouclé, mais le résultat ne fut pas à la hauteur des attentes ni du du duo Carpenter/Hill, ni de Tommy Lee Wallace (ami et collaborateur de Big John depuis toujours) promu réalisateur et ni de l'infernal mogul italien Dino DeLaurentiis, le producteur capable du meilleur (Manhunter de Michael Mann) comme du pire (King Kong Lives).
C'est donc Wallace qui va reprendre le script et l'adapter en conséquence.


Rayon casting, c'est Tom Atkins qui écope du rôle principal (déjà vu précédemment dans The Fog et Escape From New York) et pour l'antagoniste, on retrouve le regretté Dan O'Herlihy (le Robinson Crusoe de Buñuel et RoboCop 1 & 2) dans le rôle de l'inquiétant Conal Cochran.
Pour les autres, on a quelques "Carpenter's members" comme Nancy Loomis Kyes (Halloween 78), Dick Warlock (Myers dans Halloween II 81), Jamie Lee Curtis (la voix qui annonce le couvre-feu et l'opératrice téléphonique) et Wallace himself, qui débite la litanie de la fameuse pub Silver Shamrock...


Le tournage terminé, le film sort dans les salles le 22 octobre 1982 et...l'incompréhension générale se fait bientôt entendre.
Pourtant, si le public avait vu le trailer, on se rend bien compte que The Shape ne fait pas partie de l'aventure. D'ailleurs - pour le public US - la tagline est on ne peut plus claire:
"Halloween III, Season of the Witch. The Night No One Comes Home (La nuit où personne ne revint).


Trailer:
https://www.youtube.com/watch?v=9MnaYzBhx0A


C'est ainsi la négation de celle du film originel ("Halloween: The Night He Came Home", soit "La nuit où il - sous-entendu Michael Myers - revint", appuyant donc sur le fait que cet Halloween III n'a plus de lien avec les deux précédents.
Etait-ce trop fin pour la majorité ? Well, we'll never know...


Bref, Season of the Witch déçut ses spectateurs et critiques, simplement parce que Myers était bel et bien mort dans Halloween II. Ce fut donc un échec cuisant, me direz-vous.
Ben non, pas vraiment. Car lorsqu'un film rapporte 14 M$ pour un budget de 2.5 M$, on ne peut appeler ça un échec
Du moins, financièrement parlant. Car la critique a - en son temps - descendu le film en flamme. Et très peu pour le film lui-même, mais pour sa non-affiliation avec les canons tournant autour de The Shape.


Pourtant, SOTW est un pur film Carpenterien. Pourquoi ?
Regardons de plus près:



  • on y parle du consumérisme galopant (la toute puissance et l'omniprésence de la Silver Shamrock non seulement en tant que propriétaire de la ville de Santa mira, mais aussi de la main-mise sur le monde des masques sur tout le continent US) comme dans They Live !,

  • l'abrutissement des masses via le matraquage promotionnel = In The Mouth Of Madness,

  • la perte subie d'émotivité des gens (puisque remplacés par des androides, donc des "copies") = The Thing,

  • une fin en suspens, laissant notre imagination bouillonner = Halloween 78, The Thing, Prince of Darkness...


Sans oublier le format 2.35.1 cher à Big John, la BO du même (en collaboration avec Alan Howarth)...


De plus, nous avons là un film qui ose dire sur grand écran qu'un magnat de l'industrie (possiblement un sorcier très ancien) veut sacrifier un maximum d'enfants (on ne tue jamais d'enfants dans les films Hollywoodiens, c'est tabou ! ) en leur faisant ou exploser la tête ou dévorer vivant par des vers ou... pour rassasier quelques Dieux païens (oooh, hérésie !!!), avides de sang innocent.
Nous avons donc aussi des androides fabriqués à l'image de toi, mais aussi de toi là-bas dans le fond et tous ceux-ci règneront bientôt sur Santa mira, puis sur la Californie, puis sur les USA, puis le monde, qui sait ?
Et ces simili-humains (proches descendants des androides du Mondwest de Michael Crichton) débusqueront au fur et à mesure tous les "normaux" et les "convertiront" à leurs "causes" (soit être rayer de la carte et remplacé par leur clone robotique, à l'instar de Skynet et ses T-800), ce qui nous renvoit au multiples versions du roman de Jack Finney, The Body Snatchers...


Bref, Season of the Witch a un fort et riche contenu, n'est-ce pas ?
Qu'en est-il du contenant, maintenant...


Niveau réal, Wallace n'est pas à la ramasse. Ce n'est certes pas Carpenter mais il sait quand même composer ses cadres, même si de manière académique. Quoique à certains moments, il a des fulgurances Carpentérienne. Mais hey, c'est son premier long à l'ami Tommy, donc son essai est loin d'être crétin.


Le récit est intéressant mais je dois dire qu'il y a quelques longueurs ici et là. Non, en fait il y a UNE longueur, c'est la fameuse relation en carton entre Challis et Ellie.
Cela dit, le côté étrange et mystique du sujet maintient suffisamment l'attention et à bien y réfléchir, l'histoire est bien meilleure que celle de son modèle, soyons réaliste.
De fait, SOTW est un peu le reflet opposé d'Halloween 78: tandis que le Carpenter a un formidable contenant (la mise en scène + la musique), SOTW a un chouette contenu (l'histoire elle-même, pour ceux qui ne suivraient pas).


Nous avons droit à quelques scènes incluant des maquillages plutôt réussis (au regard du faible budget alloué) des mains de Tom Burman (qui travaillera plus tard sur la 3ème version de The Body Snatchers, tiens...) comme le visage défiguré de Marge Guttman, la tête arraché du clochard et les androides, bien sûr. Mais pour apprécier cela, il faut voir la version intégrale (soit le Cut ciné US).
A ce titre, le DVD français présente 2 versions: la VF est la version raccourcie (sûrement la même que la version vidéo from UK) et la VOST est donc l'Uncut Version (même constat pour la galette de C.H.U.D, d'ailleurs) mais avec les opening et ending credits en français...Allez comprendre...


Les visuals effects ne figurent que dans la scène où le couple s'échappe de l'usine en flamme, dans deux plans composites qui font un peu mal aux yeux, je le reconnais.


Quant au score du duo Carpenter/Howarth, elle est tout bonnement excellente (je suis en train de l'écouter en écrivant tout ça) autant dans le film qu'à nu. Aussi inquiétante que celle des deux premiers films, elle a de plus le mérite de proposer plus de variations.
Allez quoi, la BO du film de 78 n'est qu'une immense boucle sans fin (de mémoire, il y a trois morceaux différents plus ou moins découpés et remixés selon les scènes) et bien que fort efficace en voyant le film, ce n'est guère le cas sans les images.
Alors que SOTW se pare de plus de sonorités différentes, mais toujours Carpentérienne.En fait, cette BO se situe entre les tempos basiques à la Halloween et les nappes plus mystérieuses de The Fog. On pourra aussi y noter quelques mélodies qui réapparaitront dans Christine ("Robots Factory" et surtout "Goodbye Ellie").


Le vrai point noir, c'est cette romance bidon entre Challis/Atkins et Ellie/Stacy Nelkin, que j'ai déjà cité un peu plus haut. Aussi inutile, mal amenée et crédible que celle proposée dans The Fog...où Atkins levait une Curtis en feu. Je suppose que c'était une fugure imposée dans le genre à l'époque (que dis-je, ça se fait toujours de nos jours), mais franchement, celle-ci ne mène à rien, d'autant que Stacey Nelkin est elle-aussi un point noir du film.


Il est intéressant de faire un parallèle entre Halloween (I et II) et ce film-ci, car on y retrouve certains gimmicks, rattachants quand même ce SOTW au dyptique originel:



  • l'ouverture du film sans dialogues (ou presque)

  • les androides empruntent leurs "présences" à The Shape: mutisme, démarche épurée et immobilisme inquiétant (les scènes les représentants droit comme des "i" dans une demi-pénombre dans une ruelle ou une avancée de porte),

  • les scènes se déroulant dans l'hôpital (aussi vide que celui d'Haddonfield) et présentant la même gestion de l'espace à l'image.
    De plus, là où Halloween I & II se déroulait la nuit du 31 octobre, SOTW démarre du 24 pour culminer au 31 au soir, un peu comme si ce film présentait les jours précédents le carnage d'Haddonfield (bien que SOTW ne se déroule pas dans le même univers que les deux premiers).


Wow, j'en raconte bien des choses...
Il est temps de clore le sujet.
En résumé, Season of the Witch mérite une vision attentive et réfléchie, mais aussi une ré-évaluation en tant que film indépendant de la franchise...mais pas tant que ça, dans le fond.


End Title:
https://www.youtube.com/watch?v=1wWIfQHuLrE


PS: Le End Title rappelle furieusement le Main Theme du Sorcerer de Friedkin, composé par le fameux groupe Tangerine Dreams...

Franck_Plissken
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le 17 nov. 2018

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