Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Le scénario du septième film de Kitano tient en un haiku. Un flic hanté par la mort de sa fille et la maladie de sa femme quitte la police suite à une opération qui tourne mal et inflige à un collègue la paralysie pour le restant de ses jours. En parallèle à la relation entre Nishi (l’inspecteur) et sa femme, il y a la relation entre Nishi et Horibe (le collègue), et celle entre Nishi et des yakuzas auxquels il doit de l’argent.


Ligne directrice simple, qui se concentre à la fois sur la culpabilité éprouvée par Nishi, son sentiment d’impuissance, et sur les relations qu’il entretient avec les personnages. Takeshi Kitano parvient avec un excellent sens du dosage à alterner les scènes où Nishi fait preuve d’une grande violence et celles de pure tendresse et d’une rare poésie. Mais même ces scènes violentes sont très esthétisées, cadrées avec soin, il s’en dégage une forme de mélancolie plus que de rage et de haine. Pour sûr, Kitano sait composer ses cadres, avec des plans plus beaux les uns que les autres et des choix de pose de caméra toujours pertinents et assez originaux, sans sombrer dans la démonstration. Il sait aussi manier la caméra, avec une fluidité à toute épreuve dans de magnifiques travellings. Le choix de Joe Hisaishi comme compositeur est aussi une très bonne idée. Habitué des films d’animation, on reconnaît immédiatement sa patte qui participe beaucoup à l’atmosphère du film.


Car oui, plus que la force du scénario, c’est le travail sur les personnages cette atmosphère qui fait la grande force du film. Comme Horibe pose ses points de couleurs sur la fille au parapluie, Kitano nous propose un film tout en petites touches, avec un rythme bien à lui, lent mais pas ennuyeux. A travers la musique, mais aussi la magnifique lumière qui traverse le film, et surtout par la juxtaposition de la peinture d’Horibe à l’histoire de Nishi et sa femme, Kitano arrive à faire traverser l’émotion, qui reste omniprésente durant tout le film. C’est par bribes, par segments que le film se donne au spectateur, sans crescendo ni pic qui occulte l’ensemble, mais comme un tableau large plein de petits détails, plein de petites merveilles, mais dont la vraie beauté réside dans l’agencement des détails et leur superposition qui jamais ne devient fouillis. Il y a, malgré la finesse du scénario, une vraie clarté dans ce film, clarté non de l’intrigue, mais des émotions, encore une fois. Les scènes de tendresse du couple (dans la voiture, sonnant la cloche, prenant une photo…) et celles de peinture sont sans doute les plus belles et les plus poétiques du film, renforcées par celles qui entrecoupent ce doux onirisme, jusqu’au dernier plan qui montre une fois de plus toute la force du hors-champ et qui mêle ces deux tendances du film, avec la victoire de la poésie.


Il est sans doute vain d’espérer retranscrire le sentiment qu’a le spectateur en regardant Hana-Bi par une critique de ce type. Il pourra ennuyer les plus insensibles, mais le meilleur conseil, finalement, c’est de le voir pour partir à la recherche de l’émotion laissée par un feu d’artifice qui éclaire le ciel.

Flavinours
8
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le 3 août 2014

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Flavien M

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