Hana et Alice mènent l'enquête
6.3
Hana et Alice mènent l'enquête

Long-métrage d'animation de Shunji Iwai (2015)

Si beaucoup de spectateurs français ont découvert le travail de Shunji IWAI avec Hana & Alice Mènent L’Enquête – son premier film distribué en France pour un public francophone qui limite trop souvent le cinéma japonais à l’animation – il ne fait nul doute que ce nouveau long-métrage s’adresse discrètement aux spectateurs ayant vu le premier film. Si l’histoire de ce nouveau métrage se suffit à elle-même, avoir toutes les cartes du premier film en main (dont les deux as de cœur, avis aux amateurs) ne permettra que de l’apprécier davantage.


L’histoire de Hana & Alice Mènent L’Enquête se déroule avant les événements de Hana & Alice et reprend ainsi plusieurs anecdotes du premier film. La jeune Tetsuko ARISUGAWA – surnommée Alice – intègre un nouveau collège au sein duquel circule une étrange rumeur de meurtre. Sa voisine Hana semble en savoir davantage sur cette affaire et les deux adolescentes vont mener l’enquête pour lever le voile sur cet étrange crime.


Dans Hana & Alice, il est fait mention du passé de Hana et de la situation familiale d’Alice. Ce nouveau film nous amène au cœur de cette période décisive dans l’épanouissement des deux adolescentes. Une fois de plus, Shunji IWAI nous ramène avec justesse dans ces années de jeunesse, comme il l’avait fait en nous contant la grande histoire d’amitié du premier film, ou au contraire l’isolement du personnage principal d’All About Lily Chou-Chou. Avec Hana & Alice Mènent L’Enquête, IWAI nous parle une fois de plus des histoires qui animent les jeunes collégiennes, entre rumeurs fantasques, amitiés et bousculades.


Si le début du film inquiète légèrement avec son histoire mystique abracadabrante, le métrage retrouve rapidement la patte de son réalisateur, et ce pour notre plus grand plaisir. En effet, bien que le film soit en animation, il est difficile de ne pas remarquer que nous sommes en présence d’un film de Shunji IWAI. De sa façon de raconter les histoires à sa direction de la photographie, tout nous ramène à All About Lily Chou-Chou et à Hana & Alice. Ce dernier présentait justement une photographie à la fois brute et originale, n’hésitant pas à présenter des cadrages à la verticale ou à user de différentes techniques photographiques. Avec ce film en animation, IWAI renouvelle l’expérience et use des mêmes techniques pour donner à ce film sa signature.


Cependant, le parti pris de l’animation 3D et de la rotoscopie (technique cinématographique consistant à relever image par image les contours d’une figure filmée en prise de vue réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un film d’animation) dessert autant le film qu’il le rend unique. Si l’animation 3D a encore mauvaise presse aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas immérité. Hana & Alice Mènent L’Enquête a beau s’affranchir des canons de l’animation, il n’en demeure pas moins légèrement repoussant en raison de son esthétique. Certains mouvement de caméra deviennent presque vomitifs de par la rotoscopie et l’animation 3D rend certaines expressions faciales visuellement terrifiantes. On s’habitue au fil du métrage aux deux étranges contours sensés représentés les minois de Yū AOI et d’Anne SUZUKI, et l’utilisation occasionnelle de la 2D sur les plans fixes permet à nos yeux de se reposer, mais le film reste pour sa majeure partie un calvaire visuel cependant sauvé par le superbe travail du directeur artistique Hiroshi TAKIGUCHI, notamment connu pour sa participation sur le film de Makoto SHINKAI, The Garden Of Words.


D’un point de vue scénaristique, Hana & Alice Mènent L’Enquête jouit de toute la justesse de conteur de Shunji IWAI. Si le synopsis du métrage est effectivement moins réjouissant que les précédents films du réalisateur, il n’en reste pas moins un film uniquement porté par des personnages délicieux et joliment écrits. On retrouve en effet dans ce nouveau film la personnalité fantasque d’Alice et l’attitude désabusée de Hana, et même si le scénario peine à nous entraîner, on ne peut que passer un agréable moment en compagnie de ces deux phénomènes. On regrettera simplement que l’animation ne nous permette pas de profiter des moues réjouissantes des deux comédiennes qui représentent à elles seules près de la moitié de la bonne humeur transmise par le long-métrage original de Shunji IWAI.


Le film offre une poignée de superbes séquences comme IWAI sait si bien les faire, mais le scénario trop éloigné de la simplicité de Hana & Alice et l’animation particulière du film plombent parfois le métrage, toujours rattrapé par l’écriture de ses personnages.


De même, si le film est très court – 1h30, alors que les productions de Shunji IWAI avoisinent souvent les 3h – la narration est propre au réalisateur et n’est jamais plus intéressante que lorsqu’elle semble s’égarer. Difficile d’imaginer où nous emmènent les personnages et comme souvent chez Shunji IWAI, cet enchaînement de séquences et d’histoires courtes nous donne la délicieuse impression de ne pas être dans un long-métrage balisé et calibré.


Tant dans ses qualités inhérentes que ses défauts, Hana & Alice mènent l’enquête peinera à faire oublier le film original de Shunji IWAI aux afficionados. Difficile cependant d’estimer quelle sera la réception du public non-initié aux œuvres du réalisateur. Hana & Alice Mènent L’Enquête multiplie les échos au premier film et les clins d’œils qui raviront sans aucun doute les connaisseurs ; de l’ouverture dansée qui rappelle la magnifique scène clef du premier long-métrage jusqu’à cette séquence finale absolument incroyable qui – outre le fait qu’elle représente à elle seule ce qui peut se faire de plus beau et de plus subtile en matière de fan-service – donne envie de se replonger au plus vite dans Hana & Alice, ce nouveau film de Shunji IWAI est une invitation à découvrir l’ensemble de son travail, en espérant que son prochain film – The Bride Of Rip Van Winkle – sera enfin distribué en France, malgré le fait que ce ne soit pas un film d’animation.


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le 24 juil. 2016

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