« Je pense, donc je suis » disait Descartes. Hannah Arendt aurait pu, lorsqu'elle devait se défendre contre tous ses opposants, s'en servir pour expliquer sa thèse. En 1961, elle assiste au procès Eichmann (criminel de guerre nazie) et demande au New Yorker de publier son article suite à cette audience. Ce rapport sur la banalité du mal va accuser la philosophe d'antisémite et faire couler beaucoup d'encre, dont ce film qui sort aujourd'hui.

Le thème choisi par Margarethe von Trotta est palpitant, capital pour comprendre l'homme, son fonctionnement et ses travers. Les grands maux de l'humanité sont-ils dans la banalité de l'individu, dans le sens où ce dernier fait tout simplement ce qu'on lui dit de faire car c'est son travail ? Car en plus d'examiner une vision philosophique de l'homme, la notion de travail est également prépondérante et permet d'ajouter une nouvelle question : tous les travaux nécessitent t-ils une réelle réflexion ?

Suite à ces nombreuses interrogations, nous sommes en droit de se demander si Hannah Arendt n'est pas didactique. Disons-le sans détour, ce film est un peu scolaire mais c'est, par essence, son thème qui veut ça (elle est professeur de philosophie). Par ailleurs, la réalisatrice n'oublie pas d'être subtile en ayant l'intelligence d'utiliser seulement des images d'archives pour montrer le procès Eichmann. Elle a aussi le mérite de ne pas juger et de laisser le spectateur, lui aussi, réfléchir par lui-même et méditer sur ces questions existentielles.

Nonobstant, il faut savoir qu'un bon thème ne fait pas un bon film. La cinéaste a eu la mauvaise idée d'inclure des flash-back peu pertinents à son œuvre. De plus, les décors volontairement kitch des années 1960 sentent un peu trop le toc. Et la relation qu'entretiennent la philosophe et son mari Blücher suit la même voie, car les deux acteurs ne semblent pas être en osmose. Finalement, tous les éléments secondaires ne rendent pas le sujet palpitant, et les images ne surpassent en rien les lettres qui ont été écrites auparavant sur le sujet.

On retiendra l'interprétation solide de Barbara Sukowa qui joue ce qu'on lui demande d'incarner : une intellectuelle sûre de ses idées, mais cachant une part de fragilité et de nombreux doutes. On nous affirme en effet qu'elle continua de se poser des interrogations sur l'homme jusqu'à la fin de ses jours. Hannah Arendt s'avère être intéressant pour ceux qui connaissent peu cette période, mais peu enrichissant pour les plus connaisseurs.
Hugo_Harnois_Kr
5
Écrit par

Créée

le 7 févr. 2014

Critique lue 292 fois

1 j'aime

Hugo Harnois

Écrit par

Critique lue 292 fois

1

D'autres avis sur Hannah Arendt

Hannah Arendt
tambourinegirl
4

...ou comment rire seule au milieu d'une salle à moitié (vide ou pleine, choisissez votre kampf)

Avant tout, j'espère que vous avez remarqué le jeu de mots de mauvais goût que je viens de faire dans le titre. A présent, imaginez que tous les senscritiqueurs me tombent dessus à bras raccourcis...

le 1 mai 2013

19 j'aime

3

Hannah Arendt
turlututu
8

'La qualité humaine caractéristique qui consiste à pouvoir penser'

Parce qu’elle a indiqué dans une série d’articles au New Yorker que certains leaders juifs avaient coopéré dans les pays occupés par l’Allemagne (ce qui aurait eu pour effet d’augmenter...

le 12 mai 2013

12 j'aime

1

Hannah Arendt
mrArbre
6

Critique de Hannah Arendt par mrArbre

Je n'apprécie pas souvent les Biopic, qui survole beaucoup sans rentrer réellement dans les détails. Une mise en scène souvent romancée ou mal interprété de la vraie vie, qui n'est jamais aussi...

le 24 sept. 2013

11 j'aime

1

Du même critique

Citizenfour
Hugo_Harnois_Kr
4

Critique de Citizenfour par Hugo Harnois

Wim Wenders peut aller se rhabiller avec Le sel de la terre. Vivian Maier n’aura pas eu la chance d’être récompensée pour son brillant travail de photographe à titre posthume. Aux dernières...

le 17 mars 2015

17 j'aime

2

Didier
Hugo_Harnois_Kr
8

Critique de Didier par Hugo Harnois

Qui a dit que l'Académie du cinéma ne récompensait pas la comédie lors des Cérémonies des Césars ? Alain Chabat fait mentir tout le monde en obtenant, pour son premier film, ce prix convoité par...

le 9 févr. 2014

17 j'aime