Wong Kar Wai ne cesse de m'ébouriffer! C'est un cinéaste si étonnant, donnant à presque chaque plan de son film une vie et une identité qui lui sont propres. Pas un cadrage ne ressemble à l'autre. Il y a une recherche perpétuelle, une invention, une idée formelle sur chaque plan, chaque séquence, une fixité ici, un mouvement là, une teinte ici, une sur-exposition là, une ligne brisée ici, une fluidité là. Le travail sur l'image est très impressionnant. D'autant plus qu'au final ces images hors du commun sont facilement identifiables à leur auteur. Malgré le fait qu'elles soient inédites, il s'en dégage un parfum particulier que l'on retrouve systématiquement dans les films de Kar Wai. C'est quand même extraordinaire! Je n'arrive pas à identifier les caractéristiques, les lignes directrices, les éléments génériques qui expriment la spécificité du style mais on ne peut y échapper, on le sent, on le voit, sans pouvoir dire comment ça marche. Et j'en reste comme deux ronds de flan.

Au-delà de la vie de la caméra, oeil dynamique se faisant oublier car il se déplace de manière tant naturelle, au delà de cette danse -tango en l'occurrence- le film est bouquet de mille fleurs, album de couleurs somptueuses. Le travail sur la photographie est sans doute un des plus remarquables dans le cinéma aujourd'hui, dénotant une maitrise technique parfaite. On use ce dernier adjectif sans trop de parcimonie et à force il peut paraitre galvaudé, mais ici, ce n'est absolument pas le cas : je pense littéralement que Wong Kar Wai fait plus qu'approcher la perfection dès lors qu'il élabore une photographie aussi bien pensée et exécutée.

Après... on a une histoire d'amour, de celles qui finissent mal en général. Or, chez cet auteur c'est bien plus que du général. Bon, que cela finisse mal ou pas, peu importe après tout, ce qui est important c'est que l'histoire d'amour parvienne à toucher le spectateur. En ce qui me concerne, ce n'est pas vraiment le cas.

Le personnage interprété par Tony Leung y parvient, certes. D'ailleurs on ne dira jamais assez que ce comédien est un géant, un de ceux qui seront montés au pinnacle dans les vingt ans à venir, qu'on peut considérer d'ores et déjà comme l'un des vingt meilleurs acteurs au monde à l'heure actuelle. Il nous fait ici cadeau d'une de ses meilleures performances. Malheureusement pour moi, son compagnon Leslie Cheung m'a semblé moins émouvant. Pourquoi? Manque d'empathie? Irritation? Il n'y a rien de plus tête à claque qu'un personnage qui ne sait pas trop ce qu'il veut, qui gère si mal son indécision. Et celui-là est corsé.
Dans une histoire d'amour, l'essentiel se trouve souvent dans l'interaction entre les deux personnages et l'échange entre les deux comédiens. De ce point de vue, j'ai très peu adhéré.

Tant pis. Pas grave, j'ai passé un très bon moment grâce à la sublime mise en image.
Alligator
8
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le 23 févr. 2013

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Alligator

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