Hara-Kiri : Mort d'un samouraï (2011)- 一命 / 128min.
Réalisateur : Takashi Miike - 三池 崇史
Acteurs principaux : Ichikawa Ebizō XI - 十一代目 市川 海老蔵 ; Eita Nagayama - 永山 瑛太 ; Hikari Mitsushima - 満島ひかり
Mots-clefs : Japon ; Remake ; Samurai ; Drame.
Le pitch :
Hanshiro, un samouraï sans ressources, demande au clan Ii l'autorisation de commettre le seppuku au sein de leur résidence, le suicide rituel des samouraïs. Il est reçu par l'intendant Kageyu qui tente de l'en dissuader en lui racontant l'horrible histoire d'un jeune rōnin qui s'était présenté à eux avec la même demande. Malgré tout, Hanshiro s’entête.
Premières impressions :
Faire un remake est toujours un exercice casse-gueule. Si on reste trop près de l’œuvre originale, on n’offre jamais qu’une copie d’un film déjà existant. Si on s’en éloigne de trop, on en perd la sève. D’ailleurs pourquoi signer un remake ? Pourquoi raconter à nouveau une histoire déjà racontée ailleurs ? Si on comprend bien l’excitation que peut ressentir un cinéaste à se lancer dans l’exercice technique que cela suppose, il faut bien avouer que pour le spectateur le résultat est souvent décevant. Pourtant, ce remake de Hara-kiri par Takashi Miike, je crois que je l’ai presque autant apprécié que le film original de Masaki Kobayashi.
Si vous ne le connaissez pas encore, le réalisateur Takashi Miike est une référence du cinéma japonais de ses 30 dernières années. Réalisateur tâcheron aussi prolifique que bordélique, grand spécialiste des gerbes de sangs outrancières, il est surtout connu dans nos contrées pour ses nombreux films WTF qui fleurent bon la série B sur-vitaminée (les Dead or Alive, First Love, le dernier Yakuza) mais aussi et surtout pour ses films plus glauques qui ont marqué ses spectateurs français (Audition, Ichi the Killer). Évidemment quand un tel zozo s’attaque à un des chefs d’œuvres noir et blanc du cinéma nippon, le Harakiri (1962) de Masaki Kobayashi, on s’inquiète un peu.
C’est qu**’avec Harakiri, Kobayashi signait une de ses plus belles œuvres.** Prix spécial du jury à Cannes en 1963, le réalisateur, traumatisé par son expérience de l’armée, détournait le film de sabre en faisant du bushido une métaphore de l’état féodal totalitaire pour mieux accuser une armée impériale incapable de reconnaître ses crimes de guerre. Cependant on aurait tort d’opposer Miike et Kobayashi trop rapidement, puisque dans le fond, et même s’ils ne l’expriment pas de la même façon, tous deux sont des cinéastes révoltés contre leurs époques respectives.
Contrairement à ce qu’on pourrait craindre, la version 2011 de Miike est extrêmement respectueuse du film original dont il suit le scénario à la lettre, ne modifiant les événements qu’à la marge. Pour cette fois, le cinéaste punk a rangé sa folie créatrice au placard et chaque scène devient un tableau de maître. Le film de Miike est plus lent et plus contemplatif que celui Kobayashi dont le montage alternait sans cesse les époques et dont la réalisation ne boudait pas le zoom-dézoom. Plutôt qu’une narration morcelée, Miike fait lui le choix de raconter le flash-back d’un seul tenant et en profite pour renforcer le drame par des plans fixes.
La différence la plus notable, c’est qu’ici la pauvreté des ronins est renforcée. La mort est lente, la faim tenaille et la neige tombe au dehors. Oui, Miike ose un certain pathos que ne renierai pas Les misérables d’Hugo mais il ne faut pas y voir une trahison de l’œuvre originale, plutôt une adaptation des enjeux du récit à son époque en recentrant son discours sur les inégalités économiques d’aujourd’hui. Ainsi, plutôt que de s’attaquer aux faux-semblants d’une caste militariste comme Kobayashi, Miike s’attaque aux croyances des nantis justifiant leur pouvoir par une prétendue supériorité morale qui n’est que poudre aux yeux. En armant son protagoniste d’un simple sabre en bambou, en le faisant combattre seul et enragé contre une foule-société au service des plus puissants, en en faisant le réel détenteur des valeurs de sacrifice et de morale, il montre dans quelle inégalité de moyen et contre quels préjugés un dominé de classe doit se battre. Ainsi, malgré des narrations légèrement différentes, Kobayashi et Miike ne poursuivent qu’un unique et même but, celui de dénoncer la corruption morale du pouvoir.
Bref, j’ai aimé ce film dont le pathos, justifié, m’a touché au plus profond de mon ressenti. J’ai aimé le jeu des acteurs, j’ai aimé la composition des plans, j’ai aimé que le film ne trahisse pas l’original et j’aime l’idée que ce film de Miike puisse pousser une partie de son public, plus jeune, à rencontrer ce récit, et qui sait, à peut-être se plonger dans son œuvre originale. D’ailleurs le film est disponible sur la VOD de Universciné pour les plus curieux d’entre vous (et n'oubliez pas non plus de voir le formidable film de Kobayashi).