Hard Reset
Hard Reset

Court-métrage de Deepak Chetty (2016)

Hard Reset est un moyen-métrage de science-fiction traitant de questions classiques de philosophie de l'esprit. A l'heure où nous faisons d'énormes progrès en intelligence artificielle, ou du moins dans la modélisation de l'expertise grâce au deep learning (programme qui bat le champion du monde de Go après seulement 6 mois d'améliorations), les thèmes de réflexion relatifs à l'existence d'une conscience de soi chez les androïdes et les rapports affectifs que nous pourrions entretenir avec eux refont surface.


Ces deux questions ont déjà été abordées dans Ghost In The Shell et dans Bladerunner, dont ont peut penser que Hard Reset s'en inspire ou leur rend tout simplement hommage (la musique dont les nappes planantes font penser à certains morceaux de la BO composée par Vangelis).


Les androïdes, à défaut de rêver de moutons électriques, ont-ils une conscience ? Et si oui, une conscience d'eux-mêmes ? Si le concept de ghost (esprit dans la machine ou la coquille) suffit à mettre au même rang l'âme humaine et cet "esprit" artificiel comme solution pour clore le débat de la nature de ces choses (après tout qui prouve que nous avons vraiment une âme nous mêmes, et pourquoi ne pas reconnaître quelque chose dans certaines machines évoluées), Hard Reset dépeint une société qui refuse cette reconnaissance aux "machines".


Par crainte, ou simple posture idéologique conservatrice, les androïdes dévolus à toutes sortes de travaux de main d'oeuvre que l'être humain ne veut plus faire ou assignés à des rôles de satisfaction de leurs pulsions, ne sont considérés que comme des machines. Pourtant la ressemblance est devenue telle que le fameux Test de Turing pointe son nez. Si l'on reprend la définition de l'intelligence par le célèbre mathématicien comme le fait que si des humains ne peuvent distinguer les réponses ou l'activité d'une machine de celles d'un être humain alors on doit considérer que ladite machine "est" intelligente.


La question de l'esprit n'est qu'une extension de ce même raisonnement. De même pour l'existence de sentiments, réels ou non en soi. Si l'on ne peut faire la différence, on doit évacuer la question ; ou alors faire comme si la machine possédait intérieurement ces mêmes qualités. Rappelons que c'est cette même publication de Turing en 1950 qui marquera l'esprit de Philip K. Dick et lui servira plus tard d'inspiration pour Bladerunner. Si PKD a développé le thème de l'amour envers un androÏde, Isaac Asimov dans les dernières nouvelles du Cycle des robots avait posé la question de la reconnaissance des machines en tant que citoyens. Un robot avait-il le droit de voter, voire pouvait-il se présenter à des élections ?


*Hard Rese*t aborde aussi la question juridique mais sous l'angle du concept de libre-arbitre. Car c'est l'existence supposée de la liberté et de la volonté propre (freewill) qui est fondatrice du droit (la parole étant l'expression de la toute puissance de cette volonté depuis la philosophie kantienne). Ainsi, si "aucun système philosophique n'a vraiment réussi à prouver, et ne prouvera peut-être jamais, que l'homme est doté du libre arbitre et entièrement responsable de ses actes, il n'y a pas une seule société un tant soit peu démocratique qui n'ait fait comme si c'était vrai" (Paul Watzlawick). Ici encore c'est ce "comme si" qui est important d'un point-de-vue pragmatique.


Un détective ayant commencé à créer des liens avec une call girl androïde va donc se retrouver confronté à un choix difficile lors de l'inspection d'une scène de crime et entrer en conflit avec son vieil ami et collègue. Alors qu'un mouvement rebelle de libération des machines se manifeste de plus en plus, un virus informatique nouveau semble pouvoir débloquer le libre-arbitre comme une qualité émergente dans la conscience des ces êtres synthétiques.


Réalisé, il semblerait, avec des moyens modestes, le film présente de beaux décors cyberpunk de synthèse, et d'excellents effets spéciaux. On perçoit même des clins d'oeil à des jeux vidéo comme Mass Effect. Quelques défauts mineurs de détourage sur certains plans mais l’ensemble se tient plutôt bien comparé aux prétentions de certaines plus grosses productions ou autres séries-B. La scène de combat, entièrement au ralenti, y aurait gagnée d'alterner avec quelques plans remis en vitesse normale pour donner du rythme comme dans l'art du montage d'un John Woo à Hong Kong.


Mais le scénario s'est voulu malin : avec les présupposés de départ on s'attend à ce qu'il ne fasse que broder sur les mêmes thèmes que les films dont il semble s'inspirer ou rendre hommage. Or la question du libre arbitre et du choix est amenée puis traitée de manière plus originale grâce à un twist final dont on ne dira rien.


Bref, avec ses 40 minutes : un petit film de SF à considérer comme un bon épisode d'une série telle que Black Mirror.


Disponible en location et achat sur la plateforme Steam.

FredericMayart
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le 30 juil. 2017

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