Si certains ont pu trouver à redire quant à la prise de fonction de David Yates, le bonhomme s’était acquis des prémices de ma sympathie en accouchant, en l’espèce plutôt bien, d’un Ordre du Phénix convaincant ; en surmontant de la sorte un tel baptême du feu, celui-ci s’était donc assuré un semblant de légitimité si sa présence aux commandes se voyait renouvelée, ce qui n’avait pas été vu depuis Columbus.


Mais à l’instar de ce dernier, le défi paraissait être d’une toute autre envergure pour Yates, celui-ci s’attaquant à un chapitre fort délicat : Le Prince de Sang-mêlé s’inscrit en ce sens dans la droite lignée d’un cinquième bouquin génial, c’est-à-dire au gré d’un mal émergeant comme croissant venant appuyer une tension constante, alliant suspense savoureux et quête effrénée après la vérité… source de nombreuses révélations soulignant à n’en plus finir la profondeur, bien souvent sombre, de protagonistes phares.


Bref, le décor n’a définitivement plus rien à voir avec la série littéraire à ses débuts, le spectre du Seigneur des Ténèbres ayant cédé la place à Voldemort himself, bien décidé à prendre le contrôle de toutes choses ; mais sans davantage creuser les tenants mêmes du roman, l’enjeu de ce deuxième jet made-in-Yates tenait en une bonne transposition, logique me direz-vous, mais faisant également mieux qu’un cinquième opus perfectible.


Et puis bon, ce Prince de Sang-mêlé affichant une durée supérieure à celle de son prédécesseur, et ce malgré un bouquin moins conséquent (mais tout de même costaud), on était en droit de penser que cette marge supplémentaire favoriserait l’adaptation pure ; pourtant, rien de bien folichon au bout du compte, ce long-métrage ayant un curieux goût de redite formelle couplé à la sensation, presque chronique en l’espèce, d’une transposition manquant bien souvent le coche.


On retrouve donc la patte caractérisant L’Ordre du Phénix, faite d’une narration sans grand empressement, un bon point encore une fois, et accouchant d’une condensation d’intrigue relativement réussie ; à ceci s’ajoute une mise en scène plutôt conventionnelle venant s’incorporer, au même titre que des effets spéciaux corrects et une photographie peu jouasse me concernant, au sein d’un décor relativement immersif.


Rien de véritablement neuf jusqu’ici, mais il s’agit de la trame même qui va nous intéresser : si celle-ci paraît suivre avec minutie l’intrigue originale, des prises de libertés scénaristiques la jalonnent de bout en bout, de quoi ouvrir le débat quant à leur utilité et légitimité premières ; mais au-delà d’une simple comparaison, reposant bien souvent sur des mutations propres aux différences de formats, on tique surtout en ce qui concerne l’importance fluctuante comme maladroite accordée à des éléments/passages clés.


En fait, on touche du doigt un mal forcément symptomatique d’une telle fresque cinématographique, qui tiraillée entre des influences variées et le poids d’attentes aux multiples formes ne démontre pas toujours d’une réelle et tangible constance entre ses films, tous assujettis à une équipe de production dont le visage serait le réalisateur : difficile en ce sens d’instaurer une identité patente à la saga, et ce dans sa globalité, quand des personnalités aussi différentes que Columbus, Cuarón, Newell et enfin Yates se sont succédées, chacune ayant apporté une vision plus ou moins probante comme travaillée d’un univers riche à souhait… et qui n’aura eu de cesse de se complexifier avec le temps.


Tout ceci pour dire que Le Prince de Sang-mêlé se voit d’entrée amoindri, dans la mesure où l’approfondissement d’une figure centrale telle que Drago, jusqu’ici dressé en tant qu’antagoniste tenant plus du vilain tourné en ridicule que d’une véritable menace, n’a pas forcément l’effet escompté ; à l’instar d’un Rogue jusqu’ici porté par la prestance sans borne d’Alan Rickman, Tom Felton aura dont eut fort à faire, et si sa performance n’est en rien honteuse (au contraire), l’émotion peine clairement à passer.


Au même titre que l’obsession maladive que va développer Harry vis-à-vis de ses mystérieuses activités, le développement de ces derniers se voit d’autant plus noyé dans des sous-intrigues de badinages faisant l’effet de cheveux sur la soupe : certes, le film ne fait alors que respecter les ressorts annexes du bouquin, mais la légitimité de tels axes scénaristiques se pose au regard du gâchis, en partie, de séquences attendues de pied ferme.


L’exemple le plus flagrant tient en l’affrontement de nos deux fameux rivaux, intense comme viscéral dans le roman, et qui placé sous l’égide d’une haine réciproque des plus farouches aboutira à un sanguinolent dénouement… source de bien des ennuis pour l’Élu ; la transposition sur grand écran n’honorera cependant pas nos espoirs candides, ces quelques troubles énoncés étant tout bonnement ôtés de la trame, tandis que le duel lui-même s’avère être un sacré pétard mouillé.


Un fait d’autant plus regrettable qu’en matière de démonstration pyrotechnique, le film nous en donne pour notre argent au cours de l’acquisition mouvementée du médaillon, Michael Gambon achevant alors de nous prouver qu’il n’a que peu de chose à envier à Richard Harris, de quoi transcender une atmosphère alors délectable ainsi qu’un flamboyant ballet nous en mettant plein les mirettes ; l’occasion aussi de souligner la présence en amont d’un savoureux Slughorn, bien campé par le fort convaincant Jim Broadbent, et dont on aura préféré le pan d’intrigue associé plutôt que la mièvrerie ambiante des tribulations amoureuses du trio principal.


Mais le long-métrage ayant alterné de bout en bout le bon et le moins bon, on fait la moue concernant le funeste dénouement de Dumbledore, au cours duquel on est bien en peine de retrouver la tension et l’émotion sans borne du format littéraire… d’autant que le final de ce Prince de Sang-mêlé version grand écran va tirer en longueur sans rattraper le coup.


Dans les faits, je ne pense pas que celui-ci soit spécialement inférieur à son prédécesseur, mais Yates et sa troupe, entre un surplus d’expérience et une marge d’adaptation plus libre, n’auront pas vraiment surpris en bien, de quoi obscurcir le bilan d’un divertissement malgré tout prenant… affaire à suivre !

NiERONiMO
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de l'univers Harry Potter

Créée

le 16 avr. 2016

Critique lue 300 fois

4 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 300 fois

4

D'autres avis sur Harry Potter et le prince de sang-mêlé

Harry Potter et le prince de sang-mêlé
Karrie
2

Le syndrôme Twilight

Pardonnez le blasphème, mais OH BORDEL DE DIEU. QUI a osé faire ça ? Ah oui, David Yates. Alors je sais pas ce qu'il a fumé, ce bon monsieur, mais ça devait être le même truc que Lucas au moment où...

le 5 juin 2011

41 j'aime

40

Harry Potter et le prince de sang-mêlé
Nez-Casse
8

Attention: cette critique comporte beaucoup de référence au livre !

Harry Potter... saga avec laquelle j'ai grandi, une de mes sagas favorites. Je n'ai pas eu la chance de tous les voir au cinéma malheureusement, mais celui-ci oui. Je l'avais beaucoup attendu, car...

le 23 déc. 2015

32 j'aime

20

Harry Potter et le prince de sang-mêlé
Tonto
9

Harry Potter et le livre des secrets

Convaincu par Dumbledore (Michael Gambon) de revenir dans son ancien lycée, un ancien professeur de Poudlard, Horace Slughorn (Jim Broadbent), reprend sa fonction. Mais si Dumbledore voulait à tout...

le 22 nov. 2016

24 j'aime

7

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3