[SPOILERS]


Marrant comme la mémoire cinéphile joue des tours. Je fouillais mon compte pour y trouver un film sur lequel causer un peu. Et là, bim, Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban. Tout qui revient : les ombres, le froid, le train, les fringues, le fait que ma génération a grandi avec ces films et ces bouquins. Mais cet opus 3, plus que tous les autres, m'a fait comprendre l'impact de l'univers de Rowling.


Réunis auprès de Ron dans l'infirmerie de Poudlard, Harry et Hermione utilisent un retourneur de temps pour déjouer une machination. La caméra tourne alors les talons, passe les portes de la pièce, file à vive allure dans le couloir puis traverse les rouages de la gigantesque horloge donnant sur l'extérieur, pour enfin plonger vers le plancher des vaches, où elle retrouve les deux personnages sortant du bâtiment.


En soi, un retourneur de temps, c'est déjà l'éclate. Sur le papier, ça ouvre un monde de possibilités. Mais bon sang, quel plaisir quand le type chargé de mettre ça en images parvient à traduire le concept de façon évidente. Harry, pour Cuarón, c'est du sérieux. On s'y amuse beaucoup mais on ne s'y repose pas. Il suffirait de 100 plans fixes pour qu'un épisode ait quelque chose à vendre. Lui, il veut davantage.


Quelques secondes à peine sur environ 19h de saga, ce n'est pas grand chose. Mais ce passage du retourneur de temps contient tout ce qui fait du Prisonnier d'Azkaban le vilain petit canard de la franchise. Il ne tient pas en place car il se donne à fond. Son credo : l'appropriation, jusque dans l'abandon des uniformes. Son score au box-office mondial : $796 688 549, soit le plus faible de la série. Cherchez pas, c'est le sale gosse de la classe.


Incidemment, et avec bonheur, cette approche instinctive du film de studio met un coup de fouet aux thématiques profondes de la saga (ostracisme, héritage culturel, manipulation politique...), et il suffit de contempler les Détraqueurs pour saisir combien cet opus a soif de construction scénique. Quelle que soit la réaction recherchée (rire, peur, empathie...), les interactions entre comédiens et effets spéciaux profitent du même souci d'implication.


Raison simple à cela : Harry Potter et le Prizonnier d'Azkaban est peut-être le seul film de la franchise où la forme épouse constamment le fond, où le rythme est pensé en fonction d'un fil rouge narratif au lieu d'être réparti en micro-scènes. L'univers de Rowling n'est plus seulement excitant : il est ici palpable, immersif, comme cette chevauchée d'Hypogriffe exaltante et une partie de quidditch aussi brève que virtuose.


Malgré un cahier des charges colossal et une charte visuelle installée depuis deux longs-métrages, Le Prisonnier d'Azkaban est un film de metteur en scène, racé au possible. Conscient de l'or qu'il a dans les mains, le réalisateur de Y tu mamá también met un genou à terre face à l'univers de Rowling. Mais juste le temps des révérences, et pour mieux l'explorer ensuite, lui faire honneur par toutes ses acrobaties formelles.


En conséquence, Le Prisonnier d'Azkaban ridiculise sans peine les sympathiques opus 1 & 2, dont l'académisme étouffait trop souvent l'univers de Rowling. Quant aux suivants, aucun n'a osé en suivre la fougue. Un film au dynamisme éreintant et dont on ne se lasse pas, la faute à un montage terriblement fluide, refusant de meubler le temps (là encore, la monstrueuse partie de quidditch sous la pluie, certes trop courte, participe à cette réussite).


Enfin, pour info, je n'ai pas encore lu les livres. Mais ce film là est le seul à m'en avoir autant donné l'envie ! Je me régalerai sans doute à découvrir tout ce qui a été coupé. A l'écran, Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban se paye en sus le plus beau climax émotionnel de toute la saga, ballet mortifère où magie noire et enfance meurtrie prennent réellement corps. Une image marquante parmi tant d'autres...


Pour tout dire, plus les années passent et plus je trouve que les meilleurs films de la série font de la figuration à côté du Prisonnier d'Azkaban. Dès que j'entends parler de Harry Potter depuis 2004, c'est celui-là qui me vient en tête, comme un sortilège à long terme. Mischief managed Mr Cuarón, et pas qu'un peu.

Fritz_the_Cat
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le 28 mars 2015

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Fritz_the_Cat

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