Après deux volets passablement déprimants, aussi bien pour les cinéphiles - qui ne purent qu'être consternés par l'utilitarisme décoratif de l'inepte Chris Columbus - que pour les fans de l'oeuvre littéraire de J.K. Rowling - à la fois respectée au pied de la lettre et totalement trahie -, quelqu'un dans l'équipe de production s'est enfin dit qu'il était temps de passer à autre chose. Et de confier l'adaptation du meilleur livre de la saga Harry Potter à un vrai réalisateur, qui plus est talentueux, Alfonso Cuarón.


"Le Prisonnier d'Azkaban" joue ainsi la carte de la maturité à tous les niveaux, d'abord en développant une dimension psychologique crédible, avec des pré-adolescents ressemblant un minimum à ceux que nous avons tous à la maison (... même si le décalage entre l'âge des jeunes acteurs et celui supposé de leurs personnages commence à poser problème...). Mais cette ambition se traduit surtout par le désir de réaliser un film (presque) autonome, qui réussit à se libérer de l'emprise étouffante de l’œuvre littéraire pour trouver son propre rythme et sa propre dynamique. Surtout, Cuarón sait prendre l'univers de Harry Potter pour ce qu'il est (et ce qui a fait son incroyable succès...) : une réinvention ludique, créative, éclairante de notre monde, et non la description sans conséquences d'un univers parallèle, peuplé d'amusantes créatures féeriques, sorte d'heroic fantasy pour nos bambins.


La mise en scène de Cuarón s'avère la plupart du temps inspirée, en particulier lorsqu'elle se met au service de l'intrigue finale complexe en forme de boucle temporelle, qui reste ici lisible, compréhensible et tout simplement émouvante. De même le casting semble enfin "respirer", qu'il s'agisse de l'équipe de vétérans à laquelle se joint ici l'excellent Gary Oldman, ou des enfants, enfin supportables...


Reste qu'on n'est pas encore au nirvana, tant subsiste malgré tout une sorte d'artificialité que l'on ne peut que qualifier "d'industrielle" : une image certes aux connotations gothiques plus originales, mais néanmoins bien chargée et conventionnelle, et un rythme de narration qui ne déroge pas aux recettes tonitruantes du "blockbuster" actuel empêcheront l'adhésion totale du spectateur saturé par la pyrotechnie hollywoodienne...


Plus de simplicité aurait été la bienvenue, Señor Cuarón !


[Critique écrite en 2004 et complétée en 2018]

EricDebarnot
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le 7 sept. 2014

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Eric BBYoda

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